Enseigner en anglais à l’université : Retour de bâton

 

David Grosclaude
David Grosclaude

Voilà un beau débat ! Faut il enseigner en anglais dans les universités pour attirer les étudiants étrangers ? La question est un peu simpliste parce qu’il en faut certainement plus pour être attrayant pour les étudiants ; mais enfin admettons que ce soit un moyen d’en faire venir plus, quel est le problème ?

Ce pays, la France, a un problème avec les langues. Elle les enseigne mal quand elles sont étrangères et très mal quand elles sont sur son territoire depuis des siècles. Ne serait-ce pas dû au fait que l’on nous a expliqué que le français était LA langue de la philosophie, LA langue de la liberté, LA langue par excellence ? Donc la plus grande. Certainement un peu.

Aujourd’hui il y a ceux qui pensent que l’anglais est indispensable parce que ce serait la langue des affaires, de l’économie etc…

Ils ont en partie raison…pour le moment. Mais demain ? L’espagnol est en train de gagner du terrain un peu partout et d’autres évoquent le chinois comme langue d’avenir. Et d’ailleurs « langue d’avenir» est une expression qui, quand on y réfléchit, ne veut rien dire.

Pourtant la question n’est pas de savoir qui va gagner et quelle langue prendra le pas sur l’autre. La question est de savoir comment garder la capacité à apprendre d’autres langues, à apprendre à les parler ou à simplement les comprendre. Et pour cela, tous les spécialistes ( psycholinguistes et linguistes ) sont d’accord ; rien de mieux que d’apprendre très tôt plusieurs langues.

Le mal dont nous souffrons en France est de croire que d’apprendre tôt une deuxième langue fait oublier la première ou crée des mélanges. Et pourtant c’est le contraire.

D’où l’importance de mettre en place une législation en faveur des langues qui sont menacées de disparition ; comme le sont l’occitan, le basque , le corse, le breton… D’un strict point de vue utilitaire ( puisque c’est l’argument un peu simpliste donné pour l’anglais) la disparition des langues est une catastrophe.

Mais la France a du mal à comprendre le multilinguisme parce qu’elle ne sait pas le défendre chez elle. Elle l’a même combattu, durement.

Le fait de donner des cours en anglais dans les universités ne réglera rien, mais cette affaire aura peut-être la vertu de faire comprendre que le français est mis en danger par des arguments qui lui ont servi à empêcher l’expression d’autres langues. Retour de bâton ? Peut-être mais personne ne peut s’en réjouir. Toutes les langues sont égales en valeur et en dignité ; je dis bien toutes. Toutes sont utiles à la diversité de la pensée et des idées ; je dis bien toutes. A oublier ce principe on laisse s’organiser la destruction de la diversité linguistique dont personne ne tirera profit, pas plus les anglophones que le reste de l’humanité.

Ce monde unilingue dont certains croient qu’il serait celui de l’entente générale est un leurre. Il sera suivi d’une phase qui sera le gommage de la diversité de la pensée par la disparition progressive des concepts contenus dans les quelques mots qui nous resteront. Il ne restera plus que les mots utiles au quotidien. Rien ne dit que Liberté, Libertat, Freedom,Libertad ….seront dans la liste finale pas plus que Penser, Créer, Imaginer...

Il nous restera à méditer sur les vers du poète espagnol Rafael Alberti voyant la haine et les armes remplacer les mots :

« cuando desde el abismo de su idioma quisiera
gritar lo que no puede por imposible, y calla.
Siento esta noche heridas de muerte las palabras »

« Quand de l’abîme de sa langue il voudrait

crier ce qui est impossible, il se tait.

Je les sens cette nuit, bléssés à mort, les mots »

C’est un poète comme Alberti, et avec quelques autres auteurs qui ont écrit sur le sujet, que je me suis renforcé dans mes convictions occitanistes. Je ne défends pas l’occitan parce que ce serait la plus belle langue mais parce que je sais qu’il faudra à l’Humanité les mots de l’occitan et ceux des autres milliers de langues pour ne pas sombrer dans le monde où les mots qui nous donnent la liberté de penser seront blessés à mort.

 

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