Crise gouvernementale à Madrid, élection générale aux Cortes, procès des indépendantistes catalans, négociations financières avec le PNV, telle est l’image printanière de l’Etat espagnol.
Pedro Sanchez vient de convoquer en Espagne des élections législatives pour le 28 avril prochain. L’occasion de mettre un peu en perspective la mandature qui se clôture. Tout d’abord, pour nous remettre dans le contexte, remémorons-nous l’indignation suscitée par le soutien du PNV au budget de Mariano Rajoy en mai dernier. Indignation en particulier en Catalogne, car c’est bien Mariano Rajoy qui, au lendemain du référendum, a activé l’article 155 suspendant l’autonomie, et fait emprisonné ses responsables politiques. En votant le budget de Mariano Rajoy, le PNV d’Iñigo Urkullu a montré sa face la moins reluisante, celle du “Partido del Negocio Vasco”. Ce vote a été justifié par le financement de divers investissements en Euskadi, mais il a également correspondu à un “deal” politique plus global. Quelques jours plus tard, à l’indignation a succédé la stupéfaction, puisque suite à la condamnation d’élus du PP pour corruption, le PNV s’est retrouvé à voter la motion de censure contre Mariano Rajoy présentée par Pedro Sanchez…
Je retiendrais quant à moi trois éléments qui ont depuis marqué l’actualité de ces derniers mois.
L’absence de mouvement sur les presos, alors que des annonces fortes ont été réalisées au lendemain de l’installation du nouveau gouvernement.
Les élections en Andalousie qui, après des décennies de gestion du PSOE, ont fait chuter Susana Diaz et ont débouché sur un accord de gouvernement entre Vox, le PP et Ciudadanos.
Enfin, l’incapacité de Pedro Sanchez à élaborer avec les indépendantistes catalans un accord qui constituait pourtant pour lui un enjeu majeur. Il n’a pas réussi à “cadrer” les préparatifs du procès des dirigeants indépendantistes. Et vue la tournure qu’il a prise, on voit mal comment ce procès pourrait ne pas se solder par des condamnations de plusieurs années d’emprisonnement…
De même, il n’a pas été en mesure de mener la négociation avec les Catalans, alors qu’elle aurait pu déboucher sur une solution. En effet, Il est probable que les Catalans auraient pu adhérer à une modalité du droit à décider telle qu’elle est définie dans le préambule du nouveau statut d’Euskadi votée à Gasteiz en mai dernier par l’équipe parlementaire PNV menée par Joseba Egibar et EH Bildu.
Mobilisation de l’électorat
Au final, Pedro Sanchez s’est retrouvé dans une impasse à l’heure de faire passer son premier budget. Mais pourquoi convoquer des élections générales aussi rapidement, et en semblant céder aux injonctions de la manifestation de la plaza Colón qui est pourtant loin d’avoir répondu aux expectatives de ses organisateurs ?
Pedro Sanchez s’est retrouvé dans une impasse
à l’heure de faire passer son premier budget.
Mais pourquoi convoquer des élections générales
aussi rapidement et en semblant céder
aux injonctions de la manifestation de la plaza Colón
qui est pourtant loin d’avoir répondu
aux expectatives de ses organisateurs ?
On peut supputer que Pedro Sanchez parie sur une forte mobilisation de l’électorat progressiste en sa faveur, en réaction à l’offensive de la droite et à la perspective d’un accord de gouvernement entre Vox, le PP et Ciudadanos.
Et s’il perdait son pari?…
En tout état de cause, même s’il sortait gagnant de ces élections, il lui serait compliqué de configurer une majorité parlementaire sans bénéficier du soutien des indépendantistes catalans…
Ceci étant, quelles seraient les conséquences de la prise de pouvoir à Madrid d’un gouvernement Vox, PP, Ciudadanos ?
Nous nous retrouverions confrontés à une offensive espagnoliste ultra réactionnaire et ultra nationaliste. Au bas mot, elle impliquerait un choc de recentralisation. Mais aussi, d’éventuelles mesures revenant sur les statuts officiels et l’enseignement en euskara, en catalan ; la réactivation possible de l’article 155, etc.
Pour le PNV cela signifierait la fin d’un négoce, c’est-à-dire du “deal” politique global que j’ai mentionné précédemment. La nature de ce “deal” a encore été illustrée par le calendrier de transfert de compétences proposé récemment par Pedro Sanchez. Ainsi, pendant des années, ce “deal” a consisté pour le PNV à négocier la mise en oeuvre complète du statut de Gernika et des crédits pour les infrastructures en Euskadi, en échange d’un non alignement sur les postures rupturistes de la gauche abertzale.
En réaction à l’offensive de Jose Maria Aznar en 1997, le PNV avait changé de braquet, et ouvert la voie aux accords de Lizarra-Garazi. Mais c’était du temps de Xabier Arzallus…
Comment réagirait le PNV d’Iñigo Urkullu face à un éventuel gouvernement Vox, PP, Ciudadanos ? Difficile à dire… Quoi qu’il en soit, nous y verrons sûrement plus clair en juin, c’est-à-dire au sortir d’une séquence électorale, qui, outre les élections législatives du 28 avril, comporte en mai les élections européennes, les municipales et les provinciales