En marge des nombreuses mobilisations populaires et de la prise de conscience populaire et politique des problèmes de foncier et de logement, c’est aussi par le Parlement français que la législation doit évoluer pour créer un dispositif de régulation aujourd’hui insuffisant.
Alors que le Programme Local de l’Habitat (PLH) voté par la Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB) fêtera son premier anniversaire le 2 octobre prochain, les initiatives populaires se multiplient en faveur du droit à un logement digne pour toutes et tous. Rassemblements, communiqués, manifestation, occupations… Pas une semaine ne passe sans que le sujet ne fasse les gros titres de la presse locale voire hexagonale.
Changeons les règles du jeu
En début d’année, EHBai présentait sa campagne en faveur du droit au logement, intitulée “Changeons les règles du jeu”. Une interpellation directe du préfet était formulée autour de trois mesures d’urgence à prendre, en anticipation des conséquences indirectes de l’entrée en vigueur du système de compensation votée par la CAPB à deux reprises cette année, pour cause de recours des propriétaires de locations touristiques. Après une première réponse du représentant de l’Etat dans le département, les sollicitations suivantes sont restées lettre morte.
Au mois de mai, afin de mettre l’accent sur les mesures fiscales nécessaires pour contrer la prolifération des résidences secondaires, une action d’occupation éphémère du centre des finances publiques de Bayonne permettait d’avertir qu’en l’absence de réponse de la part de l’État, une action qui viserait une résidence secondaire serait prévue à l’été.
Cela a été chose faite le 11 juillet avec le détuilage d’une partie du toit de la résidence secondaire de Bruno Lemaire à Saint- Pée-sur-Nivelle en symbole du déplafonnement de la taxe demandée par EHBai. Il n’aura fallu que quelques heures pour que le ministre des Finances saisisse son téléphone et accepte un rendez-vous qui a eu lieu seulement deux jours plus tard. L’occasion d’un échange autour des mesures à prendre dès le projet de loi de finances 2023, que travaillent actuellement les services de Bercy et qui viendra au Parlement avant la fin de l’année.
Signes positifs de la part de l’Etat
Depuis le vote du PLH, une réelle prise de conscience a eu lieu dans la classe politique et dans la société confrontée depuis longtemps aux problèmes d’accès au logement et de gestion foncière.
La manifestation de la plateforme Herrian Bizi avait déjà obligé le préfet à intervenir et s’engager sur des actions spécifiques. Depuis, la multiplication des initiatives a accentué la pression sur les élu.es locaux et les responsables de l’État. Le travail mené par Alda sur les locations de courtes durées ou contre les baux frauduleux a amené les élu.es communautaires à voter le système de compensation ou encore le préfet à installer un comité de lutte contre ces baux illégaux. Les rassemblements répétés dans les communes, les manifestations ou occupations comme dans les cas d’Ascarat, d’Ainhoa, d’Anglet ou dans plusieurs communes de Soule constituent une force pérenne de dénonciation qui permet de maintenir la thématique dans le débat politique en permanence. Les élections législatives de juin dernier l’ont bien prouvé.
Tous ces ingrédients ont permis quelques premières victoires importantes. Non pas que le problème soit en passe d’être intégralement résolu, nous en sommes encore loin. Mais parce que nous démontrons qu’une mobilisation populaire, y compris de désobéissance, permet déjà de premiers pas symboliques mais importants.
Séquence parlementaire à suivre de près
Ces premières mesures permettront probablement de récupérer déjà des milliers de logements. Mais ces mesures à droit constant ne seront pas suffisantes et il nous faudra donc arracher des changements législatifs pour aller plus loin. Comme évoqué, le rendez-vous obtenu par EHBai le 13 juillet en préfecture a permis aux représentants du ministère des Finances publiques de prendre note des revendications portées par le mouvement politique. En insistant particulièrement sur les mesures fiscales nécessaires pour peser davantage sur les résidences secondaires, l’objectif est d’une certaine manière de rétablir une justice fiscale en déplafonnant la surtaxe de la taxe d’habitation.
Les membres du cabinet ministériel se sont engagés à étudier sérieusement les propositions qui pourraient émaner du territoire. C’est dans ce sens qu’EHBai a pris rendez-vous avec les parlementaires du Pays Basque Nord afin de discuter de ce que l’on pense pouvoir proposer comme mesures immédiates à intégrer dans le projet de loi de finances de 2023 qui est en cours de rédaction et viendra devant l’Assemblée nationale début octobre. Si les propositions n’étaient pas intégrées au texte initial, il reviendra aux parlementaires de voir comment les porter au débat à l’Assemblée comme au Sénat par la voie des amendements.
Nul doute que la configuration particulière de l’Assemblée nationale permettra de susciter le débat et pourquoi pas de créer une majorité sur ces points de bon sens et qui concernent beaucoup de territoires, du Pays Basque à la Bretagne, de la Savoie à la Côte d’Azur et jusqu’à la Corse. Les parlementaires polynésiens et guyanais rencontrés cet été en Corse ainsi que le groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires qui comporte notamment les députés corses affiliés à Régions et Peuples Solidaires (R&PS) pourront également constituer un relai à ces revendications au cours du débat parlementaire.
Il existe par ailleurs deux autres initiatives parlementaires qui reviendront dans les ordres du jour des assemblées dans le courant de cette année politique. D’une part, la proposition de loi déposée au Sénat par Max Brisson intitulée “Proposition de loi visant à réguler le marché locatif en zones tendues et à renforcer les règles applicables aux locations saisonnières de courte durée afin de mieux les encadrer sur l’ensemble du territoire”. Ce texte est à regarder de près. Si certains points sont discutables, il aura le mérite d’ouvrir un débat sur le statut des locations de meublés de tourisme. D’autre part, Jean Felix Acquaviva, député de Corse avait déposé un texte en début d’année. Ce texte dont le titre est “Proposition de loi relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre les spéculations foncière et immobilière dans l’île”, a été adopté en première lecture contre l’avis du gouvernement. Il viendra en seconde lecture au début du mois de juin, le jeudi 8 pour être précis, après passage au Sénat. Les mesures qu’il comporte sont à destination de la Corse et les négociations en cours avec l’État français donneront peut-être plus de poids à ces demandes. Mais nul doute que si elles étaient adoptées, ces dispositions pourraient ouvrir une brèche pour une application sur les autres territoires connaissant des tensions immobilières extrêmes comme Iparralde.
Faire monter la pression
On l’a souvent répété, face à la complexité du problème, il n’existera pas de solution unique qui règle la question. C’est bien l’addition de mesures, la multiplication de dispositifs qui permettra d’enrayer la machine spéculative.
Mais au-delà des outils existants qui sont bien insuffisants, les changements législatifs et les droits à l’expérimentation de nouveaux dispositifs sont nécessaires. On le sait, c’est bien l’accumulation de forces qui permettra de faire pencher la balance.
Localement, la plateforme Herrian Bizi à l’initiative de la grande manifestation du mois de novembre de l’année dernière qui avait réuni plus de 8.000 personnes, a franchi un cap dans sa structuration et a d’ores et déjà annoncé une nouvelle manifestation massive pour le 1er avril 2023. Cette date qui peut paraître lointaine, annoncée bien en avance doit nous permettre de mobiliser encore plus de monde. Surtout, elle correspond au premier jour de la fin de la trêve hivernale, synonyme de retour à la rue pour beaucoup de familles. Ce week-end là fera l’objet de multiples mobilisations partout à travers l’Europe.
Dans le sens de l’accumulation de forces, le congrès de la fédération Régions et Peuples Solidaires réuni à Aix-les-Bains, en Savoie, en cette fin du mois d’août, a voté à l’unanimité une motion visant à mener une campagne entre tous les partis politiques membres de R&PS, chacun sur son territoire, afin de créer un bruit de fond favorable à l’instauration du statut de résident. Chaque territoire prendra des initiatives concertées collectivement sur ces prochaines années afin de faire de cette revendication de la régulation de l’accès à la propriété, un sujet incontournable des prochaines échéances électorales hexagonales.
Berroeta encore en cours de vente
Après des mois d’occupation l’année dernière et une édition de Lurrama très réussie sur place, la maison Berroeta et une partie des terres sont de nouveau sous le coup d’une promesse de vente. Un couple du 16° arrondissement parisien a fait une offre d’achat à hauteur de 3 millions d’euros pour la maison et 4,07 hectares. Moins de 48h après la notification à la SAFER, plus de 30 personnes se sont rassemblées sur place pour préparer une réponse. ELB et Lurzaindia sont de nouveau mobilisés et une réponse collective sera organisée.