Le 28 novembre à Bilbo aura lieu une manifestation en faveur de l’amnistie pour les preso à laquelle convie une plateforme récemment créée. Slogan retenu: seule l’amnistie est une solution au conflit politique basque. Pas si simple. Réduire la solution à l’amnistie serait un grave écueil sur la voie de la nécessaire unité des forces militantes pour aboutir à une résolution définitive du conflit.
Depuis quelque temps un débat se développe dans certains secteurs de la gauche abertzale au sujet des stratégies de lutte en faveur des prisonniers et plus précisément autour de la revendication de l’amnistie.
Une plate-forme s’est constituée, des mobilisations sont organisées et des affiches font leur apparition. Un appel signé par plusieurs dizaines d’ex-preso ou réfugié-e-s a été publié en mai dernier. L’université d’été d’EH Bai a aussi été l’occasion d’un débat animé sur le sujet. Comme souvent dans les débats plusieurs niveaux se mélangent : questions de fond et de formes, questions de principes, tactiques et stratégies de lutte. Ce qui rend difficile un débat serein, les gens situant leur propos à des niveaux différents.
Les questions posées interpellent et méritent cependant réflexion en laissant de côté tout procès d’intention.
Elles expriment craintes et interrogations légitimes dans une période où les repères en vigueur durant un demi-siècle ont changé et où la situation semble gelée, sans issue positive à portée de main. Comment agir efficacement en faveur de la libération des prisonniers alors que les deux États refusent toute implication dans la résolution des conséquences de plusieurs décennies de violence et de répression politiques ? Comment
construire un rapport de force, autour de quelle revendication ? Quand certains défendent la stratégie des “petits pas” pour rassembler très large comme sur le rapprochement afin de faire bouger les États (le premier pas étant souvent le plus difficile à faire et à gagner), d’autres y voient, outre des résultats quasi-inexistants au bout de quatre ans, un renoncement à une revendication historique de la gauche abertzale, voire un abandon à leur sort des prisonniers pour de longues années d’incarcération.
Comme sur d’autres sujets, les même arguments sont échangés : pour avoir un peu il faut demander plus. Il faut une revendication “locomotive” qui tire vers le haut et ouvre en deçà, un espace de concession.
En face : des revendications trop “politiques” ne peuvent pas rassembler largement comme des revendications simplement démocratique et/ou humanitaires. Elles conduisent à l’isolement voire à la paralysie de toute la stratégie d’unilatéralité mise en route par la gauche abertzale.
Totems et tabous
Si les mots sont importants, ils sont aussi parfois des pièges quand ils érigent des totems ou des tabous. Cela pourrait être le cas aujourd’hui avec le terme d’amnistie, au coeur du débat actuel mais peut-être aussi un écueil sur lequel l’indispensable unité des forces militantes pourrait se fissurer. Revendication historique de la gauche abertzale elle exprimait le soutien moral et politique envers les prisonniers mais aussi la lutte armée qui les avaient conduits en prison.
Lutte considérée comme légitime face à une situation d’oppression, tout autant que la libération sans condition de ses acteurs. Soutien d’une partie de la population indispensable au développement de la résistance armée.
Vérité d’hier, cette conception globalisante de l’amnistie associée à la racine du conflit politique sur l’existence du peuple basque et sa souveraineté débouche sur une contradiction importante dans la situation actuelle d’un cessez-le-feu unilatéral sans contrepartie. En liant amnistie et résolution du conflit politique on ne peut que conclure que la libération des prisonniers n’est absolument pas à l’ordre du jour. En effet la résolution
du conflit politique concernant l’unité et la souveraineté des sept provinces ne peut être aujourd’hui datée dans le temps, ni même être assurée de succès dans la mesure où elle dépend de la volonté populaire majoritaire pas encore gagnée. Ainsi parti d’une volonté sincère de lutter en faveur des prisonniers, on arrive à une impasse. L’amnistie ne serait possible qu’à la fin du conflit politique. Du coup le débat sur le fond impacte le débat tactique (comment et pour quelle revendication lutter).
Des campagnes idéologiques sont toujours possibles mais l’amnistie reste un objectif sans terme précis et sans possibilité de rassembler largement au-delà des secteurs historiques de la gauche abertzale ayant soutenu peu ou prou la lutte armée.
Un autre problème posé par ce terme vient de l’expérience historique de nombreux pays où l’amnistie suite à des périodes de violence politique s’est avérée contre-productive car elle ne permettait ni la vérité ni la justice. Dans les sorties de conflits de ces dernières décennies elle a plutôt été utilisée de façon limitée comme un outil de « justice transitionnelle » qui permet non pas de résoudre tous les problèmes du passé mais de poser des bases sereines pour l’avenir comme l’a bien expliqué Louis Joinet lors de sa venue récente à Bayonne.
Sortir par le haut
A l’inverse, dans la phase actuelle de post-lutte armée, le seul rapprochement des prisonniers paraît en deçà de la situation. Axe de lutte entamé dans la décennie 90 il cherchait alors à élargir le soutien aux prisonniers sur une base démocratique alors que la lutte armée voyait sa légitimité fortement contestée et ses appuis populaires se réduire. La question du rapprochement devait aussi pourvoir mettre en scène sur une question précise, un possible scénario de résolution globale du conflit. Comment sortir par le haut? Il semble nécessaire de dissocier amnistie et libération des prisonniers. Parallèlement à la demande de rapprochement, la libération des prisonniers doit être mise à l’ordre du jour comme conséquence logique de la fin de la phase violente du conflit et le renoncement par l’organisation armée, et donc chacun de ses militante-s, à l’utilisation de moyens violents pour l’obtention de ses objectifs politiques qui restent légitimes. La conférence de Paris de juin dernier a montré que cette idée est communément admise par toute personne souhaitant dépasser les
situations de violence à caractère politique. Libération à revendiquer dans un délai “raisonnable” par l’application normale de la loi (et non son application exceptionnelle) pour tou-te-s ceux et celles qui peuvent en bénéficier, avec pour les autres, un accord de justice transitionnelle. L’exemple de la Kanaky parmi d’autres (Irlande, Colombie) est à cet égard une référence.
Enfin ne perdons pas de vue le dessein évident des États à vouloir contenir nos forces dans une impasse autour des seules conséquences de la phase violente.
La poursuite par des moyens politiques du combat et le développement d’une stratégie de masse en faveur de la souveraineté du Pays Basque reste le meilleur soutien moral et politique envers les prisonniers y compris
pour gagner leur libération.
Cet article de Jakes me parait excellent, et je dois dire que je partage entièrement ses positions. Si à terme la question de l’amnistie totale, doit être posée, pour l’instant, face aux deux gouvernements aveugles, qui continuent obstinément leur politique de répression, je pense qu’il ne faut pas “effrayer” certains secteurs de la société, qui soutiennent la revendication “rapprochement et libération des presos malades et/ou en fin de peine”. Plus nombreux, nous serons à soutenir cette revendication, qui n’a, à mon sens, rien de politique mais relève de la justice et du bon sens humanitaire, et plus nous aurons de chance, Bien sur qu’un jour, il faudra parler amnistie !! C’est évident, car cela fait parti de la résolution du conflit , et il est hors de question de laisser les presos croupir et mourir dans les geoles françaises et /ou espagnoles !
Même si je passe la grande partie de mon temps en montagne, je ne reste pas insensible à ce qui se passe dans notre pays. C’est la première fois que je réagis à un écrit, que je trouve intéressant, car il évoque un problème politique et humain mais cela m’affecte. Croupir en prison pour des idées, même si elles ont été peut-être (?) menées d’une manière plus radicales, restent et sont difficiles pour les premiers intéressés (même si ceux-ci étaient et sont conscients de leurs actes) et leur famille. Le temps n’est-il pas à la réconciliation et à la recherche d’une solution. Des pas très significatifs ont été opérés par la gauche basque et salués par un très grand nombre d’observateurs L’histoire a démontré que jamais les Etats nous ont donnés quoi que ce soit…. c’est la volonté populaire qui a arraché des revendications et construit …. Ikastolas, Euskal Herriko Laborantza Ganbara etc… En ce qui concerne les prisonniers, s’il faut faire adhérer le maximum sur des causes humanitaires, pourquoi des mouvements très ouverts comme Batera par exemple qui englobent une bonne partie de la population sur des revendications légitimes ne prendraient-ils pas en compte d’autres points concrets et tout aussi légitimes et légaux tel que le rapprochement des prisonniers de leur famille et la libération des malades. Cela pourrait faire avancer…. Pour les plus convaincus, ne peuvent-ils pas expliquer et soutenir déjà une revendication qui nous est très chère, l’Amnistie, en plus d’autres revendications toutes aussi chères …. sans avoir peur des mots pour une Libération des jeunes et moins jeunes qui ont donné énormément…. sans aucun intérêt personnel mais uniquement pour une cause collective.
Quand nous sommes partis tenter le sommet de l’Everest, nous ne voulions pas nous arrêter aux camps de base, même aux camps intermédiaires, même si ceux-ci-ci étaient importants. Nous avions tous dans la tête et nous le disions clairement que ce que nous voulions, c’était d’aller au sommet.
Peut-être qu’il vaudrait mieux que je reste dans mes Montagnes et laisser avec moi, la haut, mes idées car je ne suis pas un politique. Cependant, quand j’y suis, je ne peux m’empêcher d’avoir une petite pensée à ceux qui sont enfermés….
Errobert “Pipas”