Le bon sens paysan est-il une espèce en voie de disparition ? Ce bon sens utilisé par nos aïeux en connexion avec les lois de la nature, lois immuables ! L’évolution de l’agriculture ces dernières décennies a modifié le schéma de nos exploitations de celles d’il y a 30 ans. Comment en est-on arrivé là ? Le bon vieux paysan a toujours été trop gentil pour se rebeller envers ceux qui n’ont pas su —ou voulu— lui payer ses bons produits de la ferme au bon prix ; il a donc dû s’agrandir pour pouvoir payer toutes ses charges, qui elles, n’ont fait qu’augmenter. Etait-ce la solution sur le long terme ? La filière palmipède est-elle l’exemple à ne pas suivre ?
Si on regarde son évolution, on se rend compte que là où il y a 20 ans on installait un paysan avec un troupeau de 2.000 canards, aujourd’hui celui-ci met en place des ateliers avec 20.000 canards, voire bien plus.
Une belle filière qui ne faisait pas de bruit et qui satisfaisait les éleveurs en contrat (menottés ?) avec leur coopérative. Mais le beau château de cartes s’écroule en 2016 lorsque le premier épisode de grippe aviaire vient dévaster tout le sud-ouest !
C’est alors qu’on en vient, tout abasourdi, à se demander comment on a pu laisser se développer (industrialiser) une telle filière sans même se demander si, sanitairement, cela tenait la route !? Mais surtout, comment nos DDPP(1) ont-elles pu être spectatrices d’un tel développement sans en être actrices ?
Comment se fait-il qu’elles ne se soient jamais posé la question du risque sanitaire sur tant d’échanges et de déplacements de canards d’une ferme à l’autre ? Sur le développement de nouveaux ateliers sur des territoires sensibles tels que La Chalosse par exemple ? Tout ceci est allé très vite, porté par la volonté de grands groupes à l’appétit féroce de conquérir des marchés mondiaux.
Mais que veut le paysan ? Vivre de son métier certes, mais est-il aujourd’hui fier de son métier ? Est-il fier d’ouvrir ses portes aux médias qui iront ensuite montrer au consommateur ce qu’il mange ? Pour des raisons sanitaires, il a été récemment décidé d’enfermer les animaux dedans, quitte à les rendre malheureux. Et c’est bien là qu’on se rend compte que le bon sens paysan est en passe d’être enterré.
Un canard (ou même une poule) a toujours vécu à l’extérieur sur une surface appropriée et c’est bien cela qui le maintient en bonne santé : parce qu’il se dégourdit les jambes, ingurgitant pleins de vitamines à travers l’herbe et les insectes qui contribuent au bon équilibre de la santé animale. Heureusement, on trouve encore le bon sens paysan chez des éleveurs qui ont fait le choix responsable de ne pas trop mettre d’animaux dans un même troupeau, avec des races rustiques ; et ceux-là ne connaissent pas la présence du vétérinaire à la ferme.
Évoluer dans un milieu aseptisé n’étant pas la solution car la nature est remplie de microbes en tout genre, il suffit juste de mettre en place les conditions nécessaires pour créer l’équilibre sanitaire. Mais jusqu’à quand ces éleveurs tiendront-ils le coup face à des règlementations toujours plus assassines, de la biosécurité coûteuse et insensée ?
L’administration aurait tant à apprendre sur cette expérience de terrain pleine de bon sens. Car oui, c’est ce bon sens qui rassure le consommateur et qui donne encore à ce dernier l’envie de manger de la viande, là où d’autres ont perdu confiance et se mettent au véganisme.
Nous avons une responsabilité vis-à-vis de lui, ne serait-ce qu’ à travers le choix de nos modèles d’élevage. Arrêtons cette restructuration de nos fermes et regardons plutôt du côté de l’agriculture paysanne, seule solution d’avenir pour que notre métier soit en adéquation avec notre bonheur et celui du citoyen consom’acteur.
(1) Direction départementale de la protection des populations.