Tentative de petite fable sur les promesses de loi sur les langues dites régionales et autre ratification de la Charte européenne
Lorsque je lis les justifications de certains députés pour expliquer pourquoi la proposition de loi de Paul Molac a été rejetée, je pense à un épisode de mon enfance lorsque mon grand-père maternel s’amusait à me faire croire qu’il était un amateur de limaces, de « loches» (*), comme il disait en français, dans son français qui n’était pas celui de référence, mais du vrai français quand même.
Je m’explique.
Voilà que tout serait de la faute de Paul Molac qui aurait oublié de se concerter avec tous ses petits camarades députés sur sa proposition de loi ou qu’il n’aurait pas présenté un texte convenable.
Tout cela c’est très bien, mais quand un texte sera t-il convenable ? Quand nos langues seront mortes ?
Cela fait des années que ça dure. Jamais ça n’est le moment, jamais le texte ne convient, jamais les termes du texte ne sont corrects, jamais on n’a le temps, jamais…jamais.
Pourtant j’y ai cru que mon-grand père mangeait des limaces. Il me le disait. Et chaque fois que je voyais une « loche » qui me paraissait d’une taille raisonnable je lui demandais : « Tiens, tu la veux celle-là, tu vas la manger ? ».
La réponse était toujours bien argumentée pour décliner mon invitation : « non pas celle-ci, elle est trop grasse ! » ou alors « non, celle-là n’est pas assez rouge ! » ou encore : « non pas à cette saison, elle ne sont pas bonnes ! ».
Bref, mon grand-père n’a jamais mangé de limaces devant moi ! Mais son intérêt gastronomique pour les loches me paraissait tout à fait vraisemblable puisqu’il mangeait des escargots. Après tout il pouvait bien se faire un petit plat de loches de temps en temps !
J’y ai cru ! J’étais un enfant, c’était mon grand-père. Disons qu’il peuplait mon imaginaire, il jouait son rôle. J’ai appris un peu plus tard de sa bouche que, franchement, les limaces il n’en avait jamais mangé et qu’il n’avait pas l’intention de commencer.
Disons qu’il m’a appris ainsi que ceux qui affirment qu’ils mangent des limaces vous racontent des craques. J’ai refait le coup à mes enfants plus tard, pas avec les limaces, mais en changeant les protagonistes.
J’ai peuplé leur imaginaire. Et j’ai sans doute aussi, je l’espère, par ce biais, aiguisé leur esprit critique comme mon grand-père l’avait fait avant pour moi avec cette simple histoire.
Alors, à chaque fois que l’on promet une loi, une ratification de la Charte ( promise à plusieurs reprises), l’application de mesures contenues dans un rapport, l’introduction d’une phrase dans une constitution, la publication de décrets…je pense à cette histoire.
Nous sommes en face de gens qui nous disent qu’ils mangeraient bien des loches mais qu’ils leur trouvent toujours un défaut au moment de passer à table !
Mais nous ne sommes pas leurs enfants et nous n’avons pas besoin que l’on peuple notre imaginaire.
Quant aux limaces, aux loches, qu’elles me pardonnent de les avoir mêlées à de tristes affaires de lenteur ( pour ne pas dire de paralysie) parlementaire…Peut-être me suis-je laisser guider inconsciemment par leur apparente nonchalance .
(*) On appelle « loches » des limaces de différentes couleurs. Pour les spécialistes la grande grise est appelée la Limax maximus, la petite grise est Deroceras reticulatum, la noire est Arion ater, et la rouge Arion rufus. « Loche » est le nom vernaculaire comme l’on dit en français. Nous dirons populaire.
Pour aller plus loin, Enbata.info vous propose :
* “Quand 28 est égal à 4” – Cette arithmétique nouvelle c’est celle de l’Assemblée Nationale quand elle vote sur les langues régionales. La manoeuvre qui a eu lieu dans la nuit de jeudi 14 janvier au vendredi à l’Assemblée Nationale est bien triste. Alors que se discutait en séance une proposition de loi sur les langues régionales présentée par le député Paul Molac, ce texte a été rejeté par le vote des députés socialistes. www.enbata.info/articles/quand-28-est-egal-a-24
* “Au lendemain du vote à l’Assemblée nationale de la proposition de loi relative à l’enseignement immersif des langues régionales et à leur promotion dans l’espace public, j’ai souhaité adresser une lettre que vous trouverez ci-dessous, à Messieurs Armand Jung et Paul Molac,Co-Présidents du Groupe d’étude sur les langues régionales à l’Assemblée nationale.” www.colettecapdevielle.fr/2016/6234
* http://david-grosclaude.com/2016/01/23/monsieur-le-depute-vous-manquez-de-classe/
* http://david-grosclaude.com/2016/01/19/quauques-letras-indignadas-quelques-lettres-dindignation/