69 aurait été moins déplaisant. 20 de plus, c’est le nombre qui va nous coller aux basques durant cinq ans. Mais il va aussi coller à tous ces Français pour qui l’arrivée à l’Assemblée nationale française de ces 89 député.e.s d’extrême droite, populistes, réactionnaires, radicalisé.e.s, franchouillards ou néo fascistes —au choix— est plus qu’un coup de semonce. C’est une tragédie. Une insulte à l’intelligence. Au vivre ensemble. Au concept d’humanité. C’est une régression intellectuelle. Un début d’une descente aux enfers. C’est l’histoire qui se répète.
C’est à croire que tous ces gens qui votent FN ou son alter ego zemourien —le bien nommé— sont complétement incultes et inconscients de ce que leurs suffrages peuvent provoquer en terme de basculement. A la base, il y a un vrai vote facho et puis il y a un vote basique, simpliste. Insultant pour nos ancêtres qui se sont battus de part et d’autre des Pyrénées contre la peste brune. Et nous, Basques, parce que de citoyenneté française malgré nous, sommes démunis face à un inéluctable bouleversement sociétal qui s’annonce à moyen terme.
28 !
Comment une société dite civilisée et instruite peut arriver à un tel niveau de délitement? Comment ne pas y voir un échec sanglant d’une éducation parentale et scolaire réunies? Comment une partie toujours plus importante de la population d’un État peut-elle commettre un tel forfait ? Comment peut elle se laisser berner par cette escroquerie intellectuelle qui fait croire que l’extrême droite défendrait les intérêts des classes les plus populaires ? Et comment du coup ne pas constater aussi la grande responsabilité des anciens gouvernements et présidents attenants : de Mitterrand à Chirac, de Sarkozy à Hollande, puis maintenant de Macron ? Mais aussi celle des partis français traditionnels de gauche, PS et PC qui ont délaissé l’essence même de leur existence ? Aux législatives de 2022, le résultat est là : 52 puis 53% d’abstention aux deux tours du scrutin et seulement 28% de député.e.s que nous pourrions classer dans les diverses sensibilités de la gauche!(1)
0 pointé !
Aucun observateur de la vie politique française ne peut être étonné de l’orientation que prend la représentation élective en France. Le RN commence à son tour à profiter de ce système électoral inique qui dévoie le suffrage universel par le scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Sans proportionnelle, l’avis équitable d’une population n’est pas respecté. Les sensibilités par territoire ne sont pas prises en compte. Après en avoir longtemps bénéficié, les partis traditionnels se voient doublés par l’extrême droite. Ainsi, “Le découpage électoral législatif aboutit à des circonscriptions très disparates en terme de superficie, de population, mais aussi de revenus, de chômage, ou de pyramide des âges, comme le rappelle l’Insee”. Dès lors, “Il faut environ 17.000 voix pour se maintenir au second tour dans la troisième circonscription de Vendée, mais seulement 631 à St-Pierreet- Miquelon, et plus de 29.000 pour les français d’Amérique du Nord” (2).
37,3
De même, pour la première fois depuis 1988, le nombre de députées à l’Assemblée nationale est en baisse. Seules 215 femmes ont été élues lors des élections législatives (soit 37,3%), alors qu’elles étaient 224 (38,8%) en 2017. Pourtant, 44,16% des 6291 candidats étaient des candidates. Cela s’explique par une majorité présidentielle moins paritaire qu’il y a 5 ans et un groupe RN très masculin. A noter par ailleurs, l’arrivée de dix députés taxés de “régionalistes” par le ministère de l’intérieur alors qu’ils sont bien souvent élus en tant qu’indépendantistes ou autonomistes. C’est le cas en Corse, avec les membres de Femu a Corsica Jean-Felix Acquaviva et Michel Castellani qui sont réélus de même que Paul-André Colombani (PNC). La Polynésie voit élire Moetai Brotherson, Steve Chailloux et Tematai Legayic du parti indépendantiste Tavini Huiraatira soutenu par la Nupes. Ainsi donc dans les colonies, la gauche française parait plus intelligente qu’ailleurs.
89, encore !
Au Pays Basque Nord, la surprise vient de la quatrième circonscription avec l’élection, sur un fil, du jeune Iñaki Etchaniz (conseiller municipal à Oloron) du PS, soutenu par la Nupes, pour 89 voix au second tour face à la candidate Annick Trounday (conseillère départementale et affiliée à Ensemble ! de la majorité présidentielle). Un résultat serré: 19.935 (50,11 %) contre 19.846 (49,89%). Quand on regarde les chiffres de près, on s’aperçoit que l’addition des candidatures (LFI/PS/PC et EELV) au premier tour des législatives de 2017 s’élevait à 12.113 voix et 26,34% contre 10.395 voix et 24,1% pour la Nupes de 2022. Subséquemment, la dynamique du rassemblement n’apparait donc pas au premier tour mais au second avec la conjugaison du report assez majoritaire des voix abertzale vers le candidat Nupes et à contrario d’un boycott certain des voix du frangin Lassalle (8.751 et 20,3%) vers la candidate macroniste. Le nouveau député, né à Oloron et originaire du Gipuzkoa, a bien manoeuvré en remportant —au nom des gauches— une circonscription basco-béarnaise toujours acquise à la droite (Inchauspé et Lassalle).
4 + 3 = 1
Son intelligence a été de prendre comme suppléante Cécile Senderain, une militante syndicale de l’éducation nationale et abertzale de gauche. L’élément notable voire remarquable est l’appel à voter Nupes de la part du candidat d’Euskal Herria Bai — Egoitz Urrutikoetxea— qui avait récolté 10% et 4.333 voix au premier tour. Il avait fait progresser le score abertzale de 2017 (8,51% et 3.912 voix). Mais ce basculement de la circonscription interroge en même temps la stratégie d’EHBai qui, en ne composant pas un tandem basco-béarnais, l’empêche assurément et pour longtemps d’être présent au second tour. Sur la cinquième circonscription, il est consternant de noter la progression de l’extrême droite qui double en voix (de 3.378 à 6.620) et en pourcentage (de 7,15 à 13,8) le score de 2017. Progression aussi de la candidate abertzale qui, bien que peu connue, fait passer le score d’EHBai de 5,66 à 8,9%. Au second tour, la candidate jacobine de la Nupes Sandra Pereira-Ostanel s’incline par 45,60% contre 54,40 face à sa rivale macroniste.
8 + 2,5
Les presque 8% de votes blanc et nul conjugués aux 2,5% d’abstention supplémentaire (51,06% au deuxième tour) peut expliquer en bonne partie la défaite de la candidate hors sol contre la députée sortante qui, au-delà de son positionnement politique n’a, qui plus est, pas brillé par une force de travail législatif exemplaire durant la mandature. Enfin, sur la sixième, pas de surprise dans ce territoire très ancré à droite où, là aussi, le candidat de la Nupes, Tom Dubois-Robin avait lui aussi un bon programme pour se présenter dans la Creuse. Le score abertzale de Peio Dufau (14,6%) en augmentation de presque 1.600 voix et + 2,6% par rapport à 2017, n’a pas eu l’heur de plaire à une certaine gauche à ressorts hégémoniques. Sans une remise en cause et un bilan critique de cette dernière, tant sur le plan programmatique que stratégique, la droite locale en Pays Basque pourra encore surfer sur leur “côté centralisateur” dixit le député réélu de la sixième Vincent Bru.
(1) 163 parlementaires sur les 577 de l’assemblée dont 131 pour la Nupes, 22 dans les divers gauche et 10 chez les autonomistes/indépendantistes.
(2) Le Monde du 24 mai 2022 par Romain Imbach et Maxime Ferrer.