Comme à Arbonne il a deux ans, des militant.es d’ELB, Lurzaindia et Ostia ont investi la ferme Olha de Senpere pour dénoncer sa vente à un prix indécent et souligner la nécessité absolue de préserver les terres agricoles des logiques spéculatives, pour maintenir leur vocation agricole et nourricière.
Le 27 juin 2023, démarre l’occupation de la propriété de Madame Elisabeth D’Elbée située sur les hauteurs de la commune de Saint-Pée-sur-Nivelle, à deux pas de Saint-Jean-de-Luz. Composée d’une maison d’habitation traditionnelle, d’une cinquantaine d’hectares dont une toute petite partie en prairie et une partie boisée, pour un prix global de 1 300 000 euros.
La SAFER a bien effectué une demande de préemption partielle (à la demande de Lurzaindia) mais le vendeur, comme le droit le lui permet, a voulu imposer la totalité au prix notifié… ce que ni la SAFER, ni Lurzaindia, ne pouvaient accepter. Nous estimons que cette vente ne doit pas se faire, à double titre : le prix est spéculatif d’une part, et les acheteurs ne sont pas des actifs agricoles, d’autre part. Certes, cette affaire relève du droit privé car elle concerne deux particuliers, et un certain nombre de citoyens sont parfois agacés que nous intervenions sur ce genre de transactions. L’éternel tiraillement entre intérêt privé et intérêt général… De fait, nous pensons que cette affaire comme celle d’Arbonne en 2021 renvoie à des enjeux majeurs du territoire. En effet, des ventes très spéculatives de maisons assorties de terres agricoles, achetées par des personnes n’exerçant pas la profession agricole, contribuent à alimenter un marché déjà tendu de l’immobilier et du foncier agricole.
Accaparement de la terre
Ces ventes sont dangereuses car même si elles ne conduisent pas à l’artificialisation de la terre agricole, elles ont souvent pour conséquence la perte d’usage agricole : en effet, les terres agricoles entre les mains de personnes fortunées qui désirent acquérir un « domaine » deviennent essentiellement des terres d’agrément et perdent leur vocation nourricière… De plus, ces ventes ne permettent pas à la SAFER d’exercer un véritable droit de préemption pour initier un partage équitable de la terre. C’est une forme d’accaparement de la terre par des non paysans, qui participe à la perte de vitesse de l’activité agricole tout à fait alarmante et des surfaces agricoles sur la zone côtière !
Début juin, la fédération nationale des SAFER a présenté son bilan annuel sur le prix des terres. On constate un niveau record du marché des terres et des prés, en nombre de transactions mais aussi en hectares et en valeur ! En parallèle, le recensement général agricole de 2020 en France (qui se fait tous les 10 ans) confirme la diminution du nombre de paysans (100 000 exploitations disparues en 10 ans) dont 58% ont plus de 50 ans. De même, le système de distribution des aides financières publiques basé pour une grande part sur le nombre d’hectares n’étant pas remis en cause, les exploitations ont continué à s’agrandir. Notre territoire reste encore très actif avec beaucoup d’exploitations comparé au reste de la France, mais jusqu’à quand ?
La terre pour qui, pour quoi ?
Les terres agricoles sont au centre de tous les tiraillements, ceux qui en veulent pour en faire leur espace très, très privé à la campagne, ceux qui veulent l’artificialiser en faisant perdurer le modèle de l’étalement urbain et de la maison individuelle avec toutes les infrastructures qui accompagnent l’urbanisation de nouvelles zones, et ceux qui réclament du foncier pour des zones économiques ou des infrastructures. L’activité agricole, si on veut toutefois qu’elle perdure, a besoin de terres en quantité suffisante, mais aussi en qualité. Il ne vous aura pas échappé que bien souvent les plus belles terres disparaissent au profit de l’artificialisation… Bref, nous affirmons et réaffirmons que la terre, au même titre que l’eau par exemple, devient une ressource qui se raréfie, et à laquelle on n’accède pas de façon équitable. La terre perdue l’est définitivement, en général. Les façons de planifier, de vendre, d’acheter, de construire aujourd’hui conditionnent les paysages de demain, mais aussi la façon d’habiter et de manger de demain.