J’ai apprécié les articles lus dans le numéro d’Enbata de février relatif à la problématique du logement (mère des batailles) et je souhaite y apporter une contribution. Les propos relevés dans certains articles sont entendus maintes fois et sont relayés par les cadres supérieurs+ qui se découvrent une passion pour le Pays Basque. D’autres propos à peine avoués dérivent vers le racisme de telle sorte qu’il ne convient pas que je les rapporte… plus communément, les habitants sont accueillants, le pays beau, la txuleta proche, etc.
Mais, comme Aznavour (Emmenez-moi), la misère étant plus supportable au soleil, à RSA et aides sociales égales dans l’Hexagone, mieux vaut être à Senpere que dans le “9-3” et un ex-maire d’une commune proche de Garazi, marcheur du mardi, me précisait les contorsions légales qu’il devait développer pour que les logements jeunes aillent prioritairement aux jeunes de sa commune.
Aparté lié au logement social : certains logements sociaux à prix étudiés sont malheureusement revendus après la période légale au prix marché. Dans la transaction initiale, il serait utile que la collectivité ait droit de récupérer le bien en préemption à prix d’indice construction (type BT01) pour éviter un enrichissement d’aubaine.
Avec l’augmentation des ressortissants de la CCI Euskal Herri (de 17.000 à 24.000 entreprises), avec les écoles à succès : Kedge, Isa btp mais aussi Estia et ses opportunités d’essaimage, on assiste aussi à l’afflux de la jeunesse et des créateurs d’emploi, ce qui existait moins autrefois avec la typologie unique des retraités friqués. Dès lors, ni la pluie, ni le déplacement du trait de côte, ni les embouteillages, ne freineront cet élan vers notre territoire. La mesure législative (évoquée dans Enbata) de possible taxation de la résidence secondaire existe depuis le vote en Assemblée Nationale. Je ne suis pas certain qu’elle soit appliquée partout ou qu’elle pourrait l’être, ni à son taux maximal. Cette mesure est pourtant à notre portée. Elle doit être votée en conseil municipal.
Vote courageux mais trop solitaire
La position claire et courageuse du maire d’Hiriburu tranche nettement dans le débat mais semble néanmoins minoritaire puisque, sauf erreur, le PHL serait adopté. Il manque sans doute le relais collectif (signalé par Txetx) pour que ce sujet ne se noie pas dans l’apathie des habitants. En effet, s’il est souvent évoqué entre nous, beaucoup baissent les bras devant le constat ou évoquent des solutions utopistes, radicales ou impossibles.
Rousseau, le bon sauvage et la propriété
“Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire ceci est à moi fut le fondateur de la société” : Rousseau aimait le “bon sauvage” et précisait que “la société le corrompait”. Il récusait une valeur clé de la Révolution tournant autour de la propriété privée. Il devait sans doute aimer les groupes archaïques (chasseur-cueilleur-nomades), comme Lévi-Strauss (Tristes tropiques). Convenons néanmoins que le “progrès” : écriture, premières lois, expansion de population, techniques agricoles et “industries primaires”, sont nées de la sédentarité. Poussées par la famine, les familles nombreuses, la recherche de la fortune ou le droit d’aînesse, les conquêtes coloniales de la vieille Europe (les Ecossais ou Irlandais dans le far-west, nos grands-parents en Argentine ou Chili, le général Bugeaud en Nord Afrique) ont consisté à prendre du foncier et à le privatiser pour des motifs toujours civilisationnels. Ces conquêtes détruisaient le modèle antérieur. Intra Brésil, la destruction de la forêt amazonienne chasse par les armes et le sang au XXIe siècle des chasseurs cueilleurs nomades. Les Maputxe, Micmacs ou autres Apaches étaient sans doute plus proches du chasseur-cueilleur- nomade… Les plus pessimistes défendront qu’après le progrès, viendra l’explosion de la population, l’absence de régulation mondiale, le pouvoir et la richesse concentrés, la destruction des espèces et une pandémie plus létale pour repartir à zéro comme au temps de Lucy, jusque dans cinq milliards d’années, le soleil disparaissant dans le “big crunch”…
La terre indivise des syndicats de montagne
Les syndicats de Soule et de Garazi/Baigorri sont les derniers vestiges des droits pyrénéens, parait-il. Les cayolars y sont attribués en usufruit à un groupe (syndicat de Soule) ou nominativement à un berger (syndicat de Garazi Baigorri) en “bail à carrière”. Le foncier reste indivis, le bâti doit être maintenu et entretenu par l’usufruit.
La séparation foncier/bâti (démembrement)
L’initiative est portée en Iparralde par Etxalde auquel je laisse ici le soin de développer concept, action et avenir. L’Etxe primitive était indivise dans la famille, le nom de famille est celui de la maison. Beaucoup de municipalités semblent s’intéresser à l’acquisition de foncier et à la cession du bâti (BRS-bail réel solidaire ou bail à long terme). L’énorme avantage est que le foncier est retiré du marché spéculatif car il reste propriété commune de la collectivité (ville, village, CAPB ou Région). L’usufruit doit simplement maintenir, améliorer et payer un bail qui doit rester modique. Ce bail à carrière s’applique aussi dans la production de maraîchage en circuit court près des villes (exemples Uztaritze, Baiona ou il y a 15 ans une Région entière de la vallée du Rhône qui avait requalifié des friches industrielles). Certains exemples existent. Ils devraient servir de formation à tout candidat abertzale à un mandat municipal ou autre.
Corollaire
L’intervention d’acquisition est chère (elle se fait maintenant que les prix sont les plus élevés). L’Office public peut faire le portage financier pour l’acquéreur (collectivité). Mais dès à présent, le paradigme dans la gestion collective doit changer. En gros, la stratégie doit consister à alléger les dépenses de fonctionnement au profit d’une cagnotte qui doit servir à l’intervention pour la réappropriation du foncier. Cette réappropriation de foncier à orientation habitat doit aussi être conjuguée avec une autre réappropriation à usage économique (zones viabilisées). Simplement, l’échelle de temps n’est pas la même : la dépense de fonctionnement est sur le court terme, celle de l’investissement sur du long… Et pour l’électeur, la lisibilité est moindre, car il doit lui être expliqué entre deux mandatures l’accroissement de l’actif de la collectivité. Cet état des lieux début/fin de mandature devrait aussi servir lors des élections de la CAPB (peut-être que les programmes devraient aussi l’évoquer, comme les bulletins d’information annuels…).