Les espaces classiques de réflexion et d’action ont longtemps été des espaces verticaux : la gauche et la droite ont fonctionné chacun dans leur couloir, chacun de ces espaces ayant des strates allant du centre jusqu’à leurs propres extrêmes.
Pour faire simple, la gauche, représentante des couches populaires et des travailleurs, souhaite une intervention forte de l’Etat avec l’objectif de réduire les inégalités sociales par une répartition des richesses, et d’assurer un niveau élevé de service public pour le plus grand nombre. Elle prend la défense des plus faibles et des minorités.
Quant à la droite, elle représente les couches aisées de la population, ainsi que les professions libérales et indépendantes pour qui le travail et le mérite constituent les valeurs socles. Elle est pour la rentabilité des secteurs liés au service à la population (éducation, santé, culture, etc.). Pour elle, la liberté des initiatives individuelles doit amener au bien-être collectif.
Mais, ce que nous constatons comme un phénomène de plus en plus marquant, et pas qu’au Pays Basque, c’est que ce clivage “gauche/ droite”, s’il a encore un sens, n’est plus la seule ligne de partition de l’espace politique, social et économique. Les débats qui ont secoué la gauche abertzale à l’occasion des élections municipales récentes, notamment sur Bayonne et la CAPB, illustrent cette réalité.
Plusieurs éléments expliquent cette nouvelle complexité.
D’une part, la nature des personnalités qui incarnent les courants politiques. Quelle qu’elle soit, une personnalité politique ne se réduit pas à son étiquette. Ses pratiques, ses engagements, la cohérence ou pas entre ses discours et les actes, participent à l’appréciation politique que l’on peut porter sur une personne jusqu’à se poser la question de ce qui doit primer entre l’étiquette et le produit. D’autre part, les politiques menées par la gauche ou la droite ont plutôt tendance à se ressembler. Elles se différencient davantage sur le sociétal que sur le social. La force des lobbies impose souvent ses limites aux volontés politiques. Sous l’influence d’une extrême droite de plus en plus menaçante, et une société de plus en plus violente dans ses propos et ses actes – que d’ailleurs l’extrême droite parvient à recycler parfaitement – nous assistons à un glissement dangereux vers le “Tous pareils, tous pourris”. Plus les situations sont complexes et plus les recettes simplistes font recette. Et plus les recettes sont simplistes, plus la pente est dangereuse… Enfin, face aux grands enjeux qui bouleverseront l’organisation de notre société et de notre économie —nous ne le découvrons pas avec l’épisode Covid, il ne fait que nous le rappeler!— les appareils de droite et de gauche sont à peu près aussi dépourvus les uns que les autres…
Nouveaux clivages
Au-delà des clivages traditionnels, il nous faut définir de nouveaux clivages.
Les nouvelles lignes de partition ne seront plus seulement verticales, mais transversales. Les questions du changement climatique, des migrations, du productivisme, des nouvelles technologies, de la répartition des richesses au niveau planétaire, ou des organisations territoriales dans l’ensemble étatique et européen, doivent être abordées de façon transversale.
D’ailleurs, au Pays Basque nous savons le faire et c’est comme ça que nous avons avancé. La revendication territoriale avec le département ou la collectivité territoriale, les avancées sur le terrain de l’euskera, la bataille autour d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara, le processus de paix, etc. en sont des illustrations. On pourrait penser qu’à priori une gauche telle qu’on l’imagine ou qu’on la souhaite aurait dû régler, voire anticiper ces questions… Il n’en a rien été.
La revendication territoriale avec le département ou la collectivité territoriale, les avancées sur le terrain de l’euskera, la bataille autour d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara, le processus de paix, etc. en sont des illustrations. On pourrait penser qu’à priori une gauche telle qu’on l’imagine ou qu’on la souhaite aurait dû régler, voire anticiper ces questions… Il n’en a rien été.
Les choses ont avancé malgré les pouvoirs politiques en place (et non grâce à eux) : elles ont avancé quand les dossiers étaient mûrs, c’est-à-dire quand ils ont été “mûris” par le travail et les mobilisations citoyennes dans lesquelles aura été déterminante l’implication de personnes qui n’étaient pas de la même verticalité mais qui étaient de la même transversalité…
Finalement, la question centrale est celle de la stratégie la plus efficace pour gagner une bataille concrète, et pourquoi pas, pour aller plus loin sur un chemin qui pourrait s’avérer moins divergent au fur et à mesure que l’on avancerait. Dans cette perspective, la bataille des idées est essentielle car tout changement exige que les points de convergences soient plus nombreux que les points de confrontation. Je suis persuadé que dans les faits c’est ainsi. L’exigence de la transversalité, contrairement à ce que pourrait faire penser cette expression, est en fait une ligne de crête, un chemin étroit, mais qui peut mener loin…
Voir sur ce sujet le travail de fourmi réalisé par Thomas Piquetti dans son ouvrage “Capital et idéologie” et le rapprochement idéologique de la “gauche brahmane” et de la “droite marchande” dans tous les électorats occidentaux, mouvement engagé depuis 40 ans et qui ne parvient plus à justifier de réelles différences. Luze da irakurtzeko bainan hor bilduak diren ikerketek arrunt balio dute.
Bien, voilà le début d’une autocritique de l’un des acteurs principaux du crash récent de la “gauche” abertzale en Iparralde. On trépigne en attendant la prochaine chronique qui ressemblera à coup sûr à un discours d’Emmanuel Macron.
Évidemment, il résulte du fracas du monde différents pôles qui traduisent diverses “transversalités”. Mais à plusieurs constats, peuvent résulter une et même réponse.
Sauvez le climat en limitant le réchauffement planétaire à 1,5°C? Il faudra alors sortir du modèle capitaliste et de l’économie de marché qui sont les portes étendards des droites. La question écologique réhabilite plus que jamais la lutte des classes. Idéologie qui se situe bien à gauche.
Diminuer la mortalité routière? Les statistiques démontrent que se sont d’abord les classes laborieuses (ouvriers et ouvrières, employé.es, petit.es commerçant.es) qui en sont les premières victimes (éloignement domicile travail, horaires décalés, voitures moins sécu, etc.). La sécurité routière est aussi une question sociale. Et la question sociale est d’abord l’apanage des gauches.
Être équitable devant la mort? Statistiquement, une technicienne de grande surface vivra en bonne santé plusieurs années de moins que son homologue cadre supérieure dans la même entreprise. La diminution du temps de travail et l’augmentation de la durée de vie en bonne santé sont intimement corrélés dans nos pays développés. Les conditions salariale et la réduction du temps de travail sont des idées chères à la gauche.
Garantir la souveraineté alimentaire des pays du sud en permettant ici comme ailleurs à l’agriculture paysanne de nourrir l’Humanité? Seule la gauche et la lutte idéologique qu’elle mène contre les accords de libre échange y pourvoira.
Alors si face à ces différentes “transversalités”, l’auteur de cette tribune juge utile de saborder la gauche aberztale pour soutenir la droite abertzalo compatible, qu’à cela ne tienne! Mais ce qui est sûr c’est que “le chemin étroit” qui permettra demain, au plus grand nombre de vivre dignement sur cette planète ne se situe pas sur notre droite…
PS : Voilà un temps certain que Michel n’est plus paysan à Gamarth. De même qu’il ne préside plus EHLG.