La dynamique économique qui s’est imposée ces dernières décennies en Iparralde dit cependant peu de choses sur la réalité identitaire de nos entreprises. Il faut reconnaître l’élan vertueux de la Charte de Responsabilité Sociétale d’Iparralde engageant, à ce jour, 58 entreprises de ce pays.
Ce terme lu sur un projet de territoire du Conseil de Développement, “privilégier l’ancrage local et l’impact sur le territoire des entreprises basques”, porte à confusion. Nous savons tous ce qu’est le territoire Iparralde, nous savons aussi qu’en langue basque, est basque toute personne qui parle basque (ni le droit du sang, ni le droit du sol). Mais, comme la parodie du titre du roman d’Itxaro Borda, 100% basque, qui peut dire en quoi un fromage ou une entreprise est basque ?
Précaution naïve
La société de capital risque (du temps où j’ai été salarié) précisait que le dossier de l’entreprise candidate à l’apport de fonds, ne pouvait être traité que si son siège social était en Iparralde. Cette précaution relativement naïve, ne prenait pas en compte les compositions du capital. En la matière, tout est possible (actionnariat majoritaire extérieur au territoire, filiale de grands groupes à stratégie mondiale, etc.). Dans un souci de privilégier l’emploi, nous ne rentrions pas dans des validations sur la composition du capital. Les transformations des structures de capital relatives aux entreprises d’ici sont importantes : nous assistons, depuis une trentaine d’années dans le commerce, à des phénomènes récurrents dont on peut citer quelques exemples : forte augmentation des magasins en franchise au détriment de commerce “indépendant”, concentration dans le prêt-à-porter de marques “à la mode” mais dépendantes de groupes, concentration de l’offre dans l’agroalimentaire, centres commerciaux (et leurs politiques d’aménagement). La majorité de l’offre commerciale en Iparralde est identique à celle de toutes les villes de France. Mêmes enseignes, mêmes produits. Cela est encore plus significatif qu’avant. Ce rouleau compresseur “unificateur” rend l’idée d’entreprise basque relativement désuète et vaine. Dès lors, même si le souci exprimé au sein du Conseil de développement de “privilégier l’ancrage local et l’impact sur le territoire de l’entreprise” est légitime et se comprend, les leviers de l’action publique risquent d’être délicats à mettre en oeuvre. A part la rédaction d’appels d’offres avec des exigences fines.
Raison d’être
On assiste, dans le paysage économique, à des changements : la loi Pacte incite les entreprises à définir leur “raison d’être”, à les faire réfléchir sur des mécanismes de partage des richesses, comme la prime sur résultat, l’intéressement, la participation minoritaire en capital. Il est aussi évoqué la notion de pérennité et de transmission dont la gouvernance dans le pays est souhaitée. Ici et pour nous, 58 entreprises signataires de la première charte de Responsabilité Sociétale d’Iparralde sont, depuis plus d’un an, dans cette stratégie, mais appliquée au territoire. Si cet élan vertueux prend, on pourrait utiliser le terme d’entreprise du territoire “Herriko Lantegia”. Pourtant, à l’opposé du concept “herriko lantegia”, la concentration des entreprises de franchise de prêt-à-porter fragilise ces économies qui deviennent futiles pour certains et sont source de déboires, notamment en termes sociaux ou environnementaux. Ces entreprises seraient-elles des colosses aux pieds d’argile ?
Investir le territoire
Des discussions récentes m’indiquent qu’une tranche d’âge de 40 ou 50 ans n’est pas majoritairement disposée à s’investir ou investir dans l’économie du territoire. Nous l’avions pourtant fait autrefois même si les apports pouvaient être symboliques mais le nombre faisait poids. Il faudra pourtant que “la nouvelle génération” y croit, même si les investissements peuvent être modiques. Autre doute : Iparralde se prête mal actuellement à la transmission aux enfants d’affaires personnelles, ce qui n’était pas le cas il y a 30 ans. Sans doute l’image négative renvoyée par les parents y est pour beaucoup. Enfin, le mirage de la “start-up” et de l’entreprise 4.0 a toujours le vent en poupe et tout se passe comme si on oubliait les difficultés initiales des phases de croissance, avant d’être une industrie 4.0. Il conviendrait ici de faire parler des responsables d’entreprises significatives et d’écouter leurs vécus. Beaucoup de réussites ont été obtenues par “l’huile de coude”, la ténacité, le bon sens et la rage d’entreprendre et de faire…