Le navire de SOS méditerranée et de Médecins sans frontières symbolise simultanément le naufrage de l’Europe et une chance de repêchage pour la parole des citoyens solidaires.
Comment sera relatée l’épopée de l’Aquarius dans les manuels d’histoire des générations à venir ?
Comme un épisode glorieux, à ce rythme, puisqu’ils seront écrits par les vainqueurs xénophobes de l’Europe.
Le navire, affrété par les organisations non-gouvernementales SOS méditerranée et Médecins sans frontières (MSF) est aujourd’hui un symbole de cette parole dominante qui s’arrange avec les faits, avec les conventions, avec le droit international et parvient à éreinter la représentation politique de nos principes élémentaires.
58 Libyens repêchés au large de leurs côtes, fuyant les combats à Tripoli, ont ainsi trouvé grillage clôt en Europe.
Les yeux rivés sur les sondages, nos dirigeants finissent par jouer la partition de l’extrême droite pour, paradoxalement, ne pas alimenter ses suffrages. Un calcul d’autant plus incertain que les faits donneraient raison à ceux qui auraient le courage politique de les rappeler. Mais il faut dire, à décharge, que la parole est inéquitable sous nos contrées.
Le discours dominant est largement en faveur d’une extrême droite qui a fini par contaminer une large part de la population et de la classe politique, en évoquant ces “vagues” migratoires et les dangers qui les accompagnent.
Le discours dominant est largement en faveur d’une extrême droite
qui a fini par contaminer une large part de la population et de la classe politique.
Après plusieurs décennies de campagnes politiques infructueuses pour favoriser la natalité dans nos pays vieillissant, l’Europe se ferme paradoxalement à une main d’oeuvre qui pourrait être bienvenue, ne serait ce que pour “payer nos retraites”, selon une autre rengaine inquiète.
Si une vraie solidarité existe en Europe en faveur des migrants, le discours qui l’accompagne affleure à peine. “Et que vont faire ses migrants, il n’y a pas de travail chez nous ?”. La question reste sans réponse au café du commerce.
Autre preuve de ce déséquilibre, alors même que le flux migratoire en Europe est insignifiant, le discours médiatique focalise sur le chiffre impressionnant de 700.000 migrants en cumulant les cinq dernières années.
Sur une population européenne de 600 millions d’habitants, cela représente un symbole, que l’économie française seule pourrait sans problème absorber. Surtout si l’Europe cessait de distribuer des dizaines de milliards à des pays aussi douteux que la Libye ou la Turquie afin de maintenir les migrants dans leur enfer.
Si l’Aquarius reste à quai, c’est le naufrage de l’Europe. En revanche, comme l’église Saint-Bernard au temps des sans-papiers, l’indignation suscitée par ce permis de laisser mourir peut aussi réveiller une parole franche, rationnelle et massive, comme le sauvetage d’un honneur et la convergence des solidarités qui oublient de s’exprimer à haute voix.