Sans la mobilisation des forces sociales et d’une partie de la classe politique au sein de Batera, un début de mise en oeuvre d’une reconnaissance institutionnelle d’Iparralde sous la forme d’une communauté d’agglomération unique aurait-il été gagné? La création d’une entité institutionnelle Pays Basque avec des compétences va ouvrir d’autres enjeux, non plus sur les outils, mais sur les politiques linguistiques, agricoles, de formation, d’aménagement et autres à définir et à mener sur le territoire.
Quand les choses changent, difficile de démêler l’écheveau des interactions, des causes et des effets, les facteurs déterminants des facteurs secondaires.
Quel que soit le poids qu’on lui reconnaisse, l’action de Batera est un des facteurs ayant contribué à ouvrir un nouveau chapitre avec la création de la Communauté Pays Basque.
Raison de plus pour réfléchir à la suite.
Même si les enjeux, les outils, les fonctions à remplir vont forcément évoluer et que nous n’en voyons aujourd’hui que des bribes.
Même s’il est difficile de lever toutes les inconnues et de se projeter au-delà des échéances électorales qui augurent une période d’instabilité politique dans l’État français.
Depuis sa création en 2002, Batera a été une dynamique socio-politique pour la reconnaissance (du territoire, de l’euskara, de la spécificité agricole,… ) et “l’empowerment” (acquérir collectivement le pouvoir d’agir par la création d’outils, institutionnels notamment) du Pays Basque Nord (entendu à la fois comme l’ensemble de ses habitant-e-s et un territoire socialement construit).
Cette dynamique avait pour base une alliance stratégique entre quatre secteurs portant chacun une revendication spécifique et choisissant de mettre leurs forces en commun.
Dans ce combat Batera avait un adversaire principal, l’État, détenteur de la capacité de répondre aux demandes formulées, et a cherché (et réussi en grande partie) à construire une alliance large de forces sociales et d’une partie de la classe politique.
Batera a pesé sur le cours des choses
Batera a conjugué une fonction d’expertise concernant ses quatre revendications et notamment sur les réformes et questions institutionnelles, un rôle d’éducation populaire et une capacité de mobilisation (mobilisations variées, originales et audacieuses dans leur forme).
Assez naturellement, dans sa logique, Batera s’est positionné et parfois mobilisé pour le maintien de tous les outils propres au territoire : CCI, CAF, EPFL, JT d’Euskal Herri Pays basque. C’est ce schéma relativement simple: revendications d’outils identifiés / adversaire principal, qui a fait son succès et lui a permis de peser sur le cours des choses.
Assez simple aussi pour que l’action en commun soit possible malgré les opinions divergentes et parfois opposées des personnes impliquées sur d’autres thématiques ou à d’autres moments (échéances électorales notamment).
Pour l’avenir, la matrice originelle de Batera ne semble pas épuisée même si elle devra évoluer.
Le secteur paysan a défini des enjeux et perspectives nouvelles pour augmenter le pouvoir d’agir du territoire dans le domaine agricole, projet rendu public lors de l’AG annuelle de EHLG.
Le secteur Euskalgintza maintient ses axes de mobilisation pour un statut de la langue et les outils d’une politique linguistique à la hauteur des enjeux.
Sur l’enseignement supérieur, de nouvelles pistes émergent qui sont à formuler en axes de revendications et de mobilisations.
Sur l’institution, gouvernance, acquisition de compétences et évolution vers une Collectivité territoriale constituent une suite logique dans la trajectoire de Batera.
Quelles mobilisations populaires?
Sur un autre terrain, à l’initiative de LAB, plusieurs syndicats discutent de la création d’une commission locale paritaire comme outil pour le “dialogue social” territorial. Inévitablement le nouvel acteur institutionnel sera aussi destinataire des revendications reformulées: partenaire ou adversaire ? C’est une des inconnues de la nouvelle situation. Sur la forme, expertise, éducation populaire restent en principe d’actualité et la fonction de veille citoyenne a déjà émergé. Mais pourront-elle vivre et se développer sans l’échéance dynamisante et l’oxygène des mobilisations populaires si celles-ci sont moins nécessaires ou plus compliquées à construire? Par contre la création d’une entité institutionnelle Pays Basque avec des compétences va ouvrir d’autres enjeux, non plus sur les outils, mais sur les politiques linguistiques, agricoles, de formation, d’aménagement et autres à définir et à mener sur le territoire.
Les lignes de fracture vont bouger.
Les demandes des acteurs sociaux ne trouveront pas forcément les réponses escomptées. D’autres acteurs comme les organisations politiques avec leur projets et programmes vont inévitablement et légitimement entrer en scène.
Batera peut-il être l’outil adéquat pour agir sur ces enjeux qui demanderont une plus grande cohésion ? Ce n’est que le début, le débat continue entre les militant-e-s et sympathisant-e-s de la plateforme.