L’actualité de ces derniers jours, ici et ailleurs, aurait pu inspirer une chronique un tantinet fielleuse. Elle aurait été centrée d’abord sur le vote, au sein de l’EPCI, d’Euskal Herria Bai et de nombre élu(e)s abertzale de gauche en faveur d’un responsable de l’UDI, tout abertzalo compatible qu’il est sur les questions de soutien à la langue basque ou une reconnaissance institutionnelle du Pays Basque Nord. Mais une non présentation de candidats abertzale accompagnée d’une abstention n’aurait-elle pas pu être suffisante pour signifier au maire conservateur de Bayonne un certain respect pour ses engagement pour le Pays Basque tout en étant à sa place en tant que femmes et hommes de gauche ?
L’information hexagonale majeure, elle, révèle le travail fictif supposé de Pénélope Fillon en tant qu’attachée parlementaire virtuelle de son député de mari puis de son remplaçant (en 10 ans 500.000 euros bruts) ainsi que conseillère littéraire (100.000 euros bruts en 20 mois), sans grande activité, dans un mensuel propriété d’un bon ami de la famille Fillon, l’homme d’affaires Marc Landreit de Lacharrière (1). Ce coup de tonnerre dans la pré-campagne achève finalement de déconsidérer la classe politique régulièrement au pouvoir avec le risque de renforcer encore un peu plus le poids du FN et de sa cheffe millionnaire, pourtant elle aussi mise en examen pour des emplois fictifs au sein du Parlement européen!
“Élections pestilentielles !”
Ce n’est pas parce qu’il y a élections qu’il y a démocratie, pleine et entière. Toute la vie politique est centrée sur cette élection présidentielle, organisée maintenant tous les 5 ans. Penser, encore en 2017, qu’il existe un homme providentiel, détenteur de tous les savoirs, qui serait capable à lui tout seul de résoudre les maux d’une société complexe, à qui l’on confère des pouvoirs bien trop conséquents, est peut-être le signe qu’on a besoin d’un mentor, d’un guide, de quelqu’un qu’on puisse vénérer. Cela doit être inscrit dans notre ADN. Penser que le suffrage universel est la panacée. Alors qu’il suffirait de confier à une majorité parlementaire le pouvoir d’élire un(e) chef(fe) pour la représenter sur la scène internationale. Certains médias, trop rares, osent remettre en cause ce système qui, contrairement à ce qu’affirment certains écrits, ne ressemble pas à une monarchie républicaine.
Car, aujourd’hui, en Europe notamment, un roi, une reine a relativement peu de pouvoir. Si ce n’est de pérorer et d’inaugurer des chrysanthèmes. Et le plus désolant de tout, c’est que ces présidentielles déplacent depuis 1995 en moyenne 80 % des personnes inscrites soit la plus grande participation électorale. A titre de comparaison, le taux de participation aux élections bayonnaises, pourtant objectivement plus proches des habitants, vivote autour de 56 %. Incongruité ?
Aller voter pour éviter le pire !
C’est quand même fort de faire croire au peuple votant que c’est lui qui a la main. Alors que le pouvoir lui est confisqué, que tout est dans le paraître, dans l’artifice, la communication — le bon mot ou le sens de la répartie, c’est selon— où l’on recherche le parler vrai tellement tout sonne faux, à grands renforts de communicants, de conseillers plus ou moins occultes, et de patrons de presse écrite, parlée et surtout télévisuelle. Alors que se sont les sondages qui gouvernent quand bien même, on l’a vu pour le brexit ou les élections américaines, leurs prédictions sont loin d’être une science exacte. Orienter le vote de l’électorat tout en expliquant que ce n’est qu’un reflet de l’opinion à l’instant T : voilà la vraie arnaque !
Les instituts de sondage ont tout intérêt à flatter les donneurs d’ordre (de virement) que sont les grands groupes de presse dirigés par les grandes fortunes françaises, hors les groupes indépendants des puissances d’argent comme l’Humanité ou le Canard enchaîné et une presse alternative à petit tirage(2).
Ainsi, pour faire croire à un choix raisonné, les deux principaux partis qui se partagent le pouvoir en France depuis des lustres, organisent les “primaires” sur une idée originale du PS, copiée aux américains. Et le moment phare, ce sont les débats télévisés, formatés, auxquels on se laisse prendre presque malgré nous, choisissant un poulain à la verve saillante, au discours réfléchi et argumenté. Il serait même envisagé, pour ce coup-ci, de les proposer pour une partie des candidats avant le premier tour du 23 avril. On n’arrête pas le progrès.
Le referendum d’octobre 1962
initié par De Gaulle,
passant outre l’adhésion des deux parlements,
va fixer dans le marbre l’élection
d’un superman républicain
au suffrage universel.
Résultat des courses :
le système politique français
est complètement aspiré
par cette élection
qui détermine toutes les autres
à commencer par les législatives.
La gauche, c’est la main où le pouce est à droite ?
Le referendum d’octobre 1962 initié par De Gaulle, passant outre l’adhésion des deux parlements, va fixer dans le marbre l’élection d’un superman républicain au suffrage universel. Résultat des courses : le système politique français est complètement aspiré par cette élection qui détermine toutes les autres à commencer par les législatives.
Pourtant, en tant qu’abertzale de gauche, doublé d’un statut de citoyen français, ces élections interrogent, d’autant que les partis abertzale ne donnent pas de consignes claires légitimant la difficulté de l’exercice. En attendant une hypothétique VIe république qui moderniserait la France et à défaut d’un candidat progressiste représentant les minorités nationales au sein de l’Etat français, faut-il s’abstenir ? Voter blanc, nul ? Ne participer qu’au 1er tour ? Voter Hamon ? Jadot ? Poutou ? Sachant qu’aujourd’hui, avec la déliquescence d’un quinquennat avec des apparats de gauche mais dirigé au centre, l’électorat français vote à 55 % pour la droite et l’extrême droite, quelle issue possible pour un second tour autre qu’un duel Fillon-Le Pen ? Ou Macron-Le Pen ?
Le syndrome 2002
Bien sûr le résultat du premier tour fin avril pourrait infirmer cette hypothèse. Mais, l’effet pervers d’une telle élection peut à nouveau inviter les électeurs à avoir un non choix. Et ce dès le premier tour. C’est à dire un vote “utile”. L’immixtion d’un socialiste de gauche – Benoit Hamon- va peut être bouleverser la donne. On demandera alors par tactique électorale à Yannick Jadot, Jean Luc Mélenchon voire Philippe Poutou de jeter l’éponge pour que la “gauche” puisse être présente au second tour. Et cela risque, par ricochet, à la fois de participer à l’éclatement du PS -cela paraît inévitable- et de faire un peu plus le lit de l’extrême droite. Décidément, on est mal barré. Heureusement, Coluche est toujours là: “Vu qu’on va forcement se faire baiser aux présidentielles… C’est pas des primaires qu’il faut organiser, c’est des préliminaires !”
(1) Le Canard Enchaîné N°5022 du 25 janvier 2017 : “Pour Fillon, Pénélope est un bon filon”
(2) Voir Le Monde diplomatique de juillet 2016 : Information sous contrôle : qui possède quoi? par Marie Beyer et Jérémie Fabre.