Notre culture nous fait “autre”

AinchartL’association Lauburu est née, il y a 40 ans, de l’idée que l’homme n’est pas seulement un être économique. C’est la culture qui nous construit et nous différencie les uns des autres. Sans la culture, nous ne serions que de l’eau et un peu de fer, a dit quelqu’un. Créée à l’initiative d’Aita Marcel Etchehandy, Mikel Duvert, Jon Etcheverry-Ainchart, Claude Labat et quelques autres, Lauburu se donnait comme objectif de récupérer et faire connaître des aspects de la culture patrimoniale basque qui cédaient le pas devant l’uniformisme destructeur des nouveaux codes imposés par la société de consommation. Ainsi, l’association s’attachait au recensement et à la préservation des stèles discoïdales et des croix abandonnées ou en grand danger de vol ou destruction dans les cimetières d’Iparralde. 40 ans plus tard, où en est Lauburu? Enbata a interrogé Jon Etcheverry- Ainchart, cheville ouvrière de l’association.

Lauburu, bien présent il y a 20 ans dans le monde de la culture, tend à se faire discret. Vieillissement de l’association ? Nouvelles manières de travailler ? Ou y a-t-il moins de batailles à livrer qu’avant à propos de la culture basque ?

A l’instar de Churchill qui, lorsqu’on lui demanda de supprimer le budget de la culture pendant la guerre, rétorqua : “Alors pourquoi nous battons-nous ?”, je dirais que l’activité culturelle est l’essence première de l’humanité. Lauburu était la toute première association en 1974 à dire que notre culture nous faisait “autres” et que notre patrimoine devait être transmis non pas comme un objet “du passé», “de nos anciens” comme on dit à TF1, mais comme nous construisant et nous modelant au jour le jour.

Le fait que Joanes, mon petit-fils de trois ans et demi, “vive” le carnaval et puisse voir de nouvelles danses créées à partir du patrimoine reçu montre que le pari de Lauburu lors de sa création est largement gagné. C’était charmant de ne pas perdre “Ikusten duzu goizean” qui ne faisait pas partie du répertoire obligatoire des chansons à apprendre dans les écoles publiques, mais c’est tellement mieux de voir notre milieu produire Kalakan qui intéresse suffisamment Madonna pour introduire Birjina gaztetto bat zegoen, Sagarra jo ou De Tréville-n azken hitzak dans la musique du monde…

Ici, on crée maintenant tous les jours et c’était là l’idée de Lauburu.

Quelle est votre activité actuelle ? Est-ce que le préfet dit toujours de vous “on sait ce qu’ils font de jour mais on ne sait pas ce qu’il font la nuit” ?

Cela, c’était le délire de la haute administration de 1976 et pas du tout de celle-ci. C’était un haut fonctionnaire qui nous l’avait dévoilé à l’époque !

On travaille beaucoup mais avec moins de personnes du fait du vieillissement de nos membres ; les jeunes n’aiment pas trop être embrigadés dans des structures, mais beaucoup veulent toujours ne pas être seulement des consommateurs de culture mais aussi participer.

L’an passé, l’association a participé à plus de 100 conférences, c’est considérable, et souvent notre activité se fait sans publicité : interventions ou réponses à des demandes de conseil par les municipalités pour le petit patrimoine, réalisation de nouveaux cimetières “basques” ou agrandissement des anciens, éducation au patrimoine en milieu scolaire.

Nous avons aussi beaucoup travaillé les dix dernières années dans l’édition, avec Elkar.

Votre travail sur les stèles discoïdales est-il terminé ou se poursuit-il ? Les nouvelles technologies ont-elles changé vos façons de travailler ?

L’activité professionnelle a pu plusieurs fois paralyser l’activité dans ce domaine particulier.

Mais la retraite a du bon puisqu’elle libère un nombre considérable d’heures pour le loisir et la culture. Mais elle peut aussi paralyser des bonnes volontés en raison de problèmes de santé.

La numérisation de la photographie a permis de considérables économies ; on peut prendre beaucoup de photos et ne retenir que les plus réussies. Mieux encore, on peut faire cela chez soi, on peut scanner, et on peut transférer des centaines de photos sans passer par la poste ou le photographe. Et on peut sauvegarder le travail en numérisant les inventaires. C’est une révolution !

Le travail d’inventaire des monuments funéraires a commencé il y a 45 ans. Arrêté depuis quelques années, il a été repris. C’est quelque chose de considérable : toutes les croix, stèles discoïdales des 200 cimetières du pays avaient été scellées au ciment dans les années 1970 et 1980, cimetière par cimetière. Puis on avait commencé à les photographier et les dessiner pour pouvoir les répertorier, et aussi confondre les voleurs avec nos fiches.

Comment porter plainte si vous n’avez ni une photo ni un dessin de la stèle volée à remettre à la gendarmerie ?

A Irouléguy, vers 1971, nous avons vu des gens embarquer une stèle dans le coffre d’une voiture immatriculée 59. A Arbonne, depuis notre passage en 1977, une vingtaine de monuments ont disparu, ce qui veut dire qu’il y a un réseau ou un commerce de ce type de monument.

Voilà la raison de ce travail.

Actuellement, tous les monuments du Labourd ont été dessinés, ainsi que tout Mixe, Lantabat et l’Arbéroue. Nous commençons à travailler en Ostibarret, Garazi et Baigorri.

Et puis une petite équipe s’est mise au travail en Soule, qui, espérons-le, fera ses preuves rapidement.

Mais tout cela suppose du personnel, des équipes, des spécialistes pour la photo ou le dessin par exemple. Comment les trouvez- vous ?

Le choix de Lauburu a été, dès le début, de ne pas être une association de spécialistes de salon. Nous étions obnubilés par la confiscation du savoir. C’était quelque chose qui nous inquiétait beaucoup. Nous ne voulions pas ressembler au monde culturel des années 1920-1940 où l’on travaillait en chambre. Nous voulions lancer des dynamiques qui ensuite fonctionneraient toutes seules, et cela dans toutes les facettes du patrimoine. Nous étions en 1971. Il fallait redonner de la confiance et montrer la beauté de ce patrimoine dont tout le monde pensait, comme pour la langue, que c’était tout juste bon à jeter.

Mais Seaska, depuis trois ans, disait la même chose. Et c’est ce qui s’est passé : on s’est mis à réinventer la danse, on a fait de nouveaux cimetières “basques”, l’euskara a conquis le monde du rock, etc. Notre message était que notre culture mérite de ne pas mourir.

Et qui, aujourd’hui, pense que la culture basque est perdue ?

A 45 ans, quel est le message de l’association Lauburu ?

Qu’il y a beaucoup de gens qui ne se satisfont pas de consommer et de regarder le temps s’écouler, qui veulent faire quelque chose de plus, de désintéressé, d’utile pour leurs enfants ou pour le pays. C’est quelque chose de profond, que l’on retrouve aussi dans les domaines économique ou linguistique. Et chaque secteur bénéficie de la dynamique des secteurs voisins. L’agriculture par exemple a trouvé beaucoup de son dynamisme dans ce fond culturel commun où l’on sent les choses aller de soi avant de les avoir exprimées. C’est très profondément ancré. Ehlg est plus qu’un rassemblement d’agriculteurs qui font de la perspective et se disent “voilà le secteur qui va rapporter”. Ils n’ont pas des mentalités de boursicoteurs. Ils ne se contentent pas d’aligner des chiffres. Tout se tient, comme le ciment tient la maison debout. C’est très réjouissant.

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