Le vent souffle dans les Highlands

EcosseCet article a été publié dans Enbata du mois de mai sans prendre en compte les résultats des élections au parlement écossais du jeudi 5 mai où 129 membres du Scottish parliament (ou parlement de Holyrood à Edimbourg) ont  été élus pour un mandat de quatre ans. Ce sont les cinquièmes élections depuis l’établissement du parlement  autonome en 1999.

Selon la loi électorale écossaise (loi de 1998), les élections autonomiques auraient dû se tenir le premier jeudi de mai 2015, quatre ans après celles de 2011. Mais elles se seraient télescopées avec les législatives britanniques prévues le même jour, auxquelles les Ecossais participent au même titre que les autres nations du Royaume-Uni. Arguant des trop grandes
différences des modalités de scrutin pouvant entraîner des confusions, le Scottish National Party avait demandé et obtenu de Westminster le report du scrutin autonomique écossais
d’une année. Westminster avait profité de cette demande pour introduire de la souplesse dans la loi électorale écossaise: le parlement écossais pourrait désormais moduler la durée normale de la législature de quatre ans de plus ou moins une année. Pragmatisme tout britannique.

Pour choisir ses 129 représentants, l’Ecosse a instauré un système mixte: 73 députés sont élus dans autant de circonscriptions par scrutin à un seul tour où celle ou celui qui arrive en tête est élu(e). S’y ajoutent 56 députés élus à la proportionnelle (méthode d’Hondt aménagée) dans les 8 régions électorales d’Ecosse, 7 députés par région. Les limites des régions et des circonscriptions ont été revues en 2009.

Rappelons que pour envoyer ses représentants au parlement du Royaume-Uni à Westminster, l’Ecosse est découpée en 59 circonscriptions, plus vastes donc que les 73 des élections autonomiques.

Le parlement autonome sortant d’Ecosse était constitué de cinq groupes: le Scottish National Party (SNP) du premier ministre Nicola Sturgeon, 69 députés, le Scottish Labour Party  (travaillistes) mené par Kezia Dugdale, 37 députés, le Scottish Conservatives (conservateurs) de Ruth Davidson, 15 élus, le Scottish Liberal Democrats de Willie Rennie, 5 élus, et les Scottish Greens avec leurs deux leaders Patrick Harvie and Maggie Chapman qui sont leurs 2 élus et 1 député indépendant. Ces quatre derniers partis sont l’expression écossaise de leurs maisons mères anglaises.

L’Ecosse est gouvernée par le SNP depuis deux législatures, avec une majorité relative de 2007 à 2011 et la majorité absolue de 2011 à 2016.

Débuts discrets

Même s’il n’occupe le devant de la scène politique que depuis peu, le SNP est un vieux parti créé en 1934. Il a connu de longues années de stagnation durant la guerre et après guerre.

Ce n’est qu’en 1967 qu’est élu, à Hamilton, le premier député SNP au parlement de Westminster. La victoire du SNP dans ce fief travailliste est un véritable choc et fait de la question écossaise une problématique nationale, conduisant à la création de la Commission Kilbrandon pour réfléchir sur l’évolution institutionnelle de l’Ecosse.

Sept ans plus tard, le SNP réalise un excellent résultat lors des élections générales britanniques d’octobre 1974, en réunissant alors un tiers des votes écossais et en envoyant onze députés sur 59 à Westminster.

A partir de là, le SNP impose la reconnaissance du peuple écossais et de son droit à l’autodétermination sur la scène politique britannique et européenne.

Il mène campagne pour la réouverture du Parlement d’Edimbourg fermé depuis trois siècles, depuis 1707 et l’annexion à la couronne anglaise qui avait signé la fin de l’indépendance de l’Ecosse.

En mai 1997, le gouvernement travailliste de Tony Blair est élu en faisant la promesse de créer une institution dévolue en Écosse. La même année, il organise un référendum en Ecosse qui donne une majorité de votes pour la “dévolution”. En 1998, le Scotland Act est voté à Westminster. Il organise la création d’un parlement et d’un exécutif écossais.

Compétences dévolues

Le nouveau parlement écossais possède des pouvoirs législatifs primaires dans certains domaines dévolus, en plus de certains pouvoirs fiscaux. Les compétences du parlement et de
l’exécutif écossais sont les suivantes : santé et services sociaux, éducation et formation, administration locale et logement, justice et police, agriculture, forets et pêche, environnement, tourisme, sport et culture, et enfin développement économique et transports.

La première assemblée de ce nouveau parlement est élue en 1999. Le SNP y siège dans l’opposition avec un tiers des sièges, derrière un parti travailliste ultra-dominant. Le résultat est à peu près le même quatre ans plus tard, en 2003. Mais, en 2007, les nationalistes écossais réussissent une percée et, avec 32,9% des voix, gagnent de justesse une majorité relative qui leur permet de prendre pour la première fois les rênes du gouvernement écossais.

Dès lors, le SNP connaît une vigoureuse progression politique. Après quatre années d’un premier mandat difficile avec une majorité relative, Alex Salmond, le charismatique leader du SNP, remporte en 2011 45,4% des voix et une majorité absolue des sièges. Durant ces années, le SNP se renouvelle et se renforce. Il mène campagne pour un référendum sur  l’indépendance de l’Ecosse que David Cameron, le premier ministre britannique, sera contraint d’accepter au vu de la majorité absolue obtenue par le mouvement nationaliste écossais. Pour mettre le Oui à l’indépendance en minorité et gagner le référendum, Londres multiplie les promesses de transferts de compétences supplémentaires et fait aussi planer les menaces, sur les retraites par exemple. Le Non l’emporte avec 55% des voix en septembre 2014.

Le SNP se renforce

Mais contrairement aux espoirs britanniques, le SNP relève le défi. En un an, il passe de 30.000 à 130.000 adhérents. Alex Salmond cède sa place à Nicola Sturgeon à la tête du parti et des institutions écossaises. En mai 2015, avec un très symbolique 50% des voix, le SNP rafle 56 sièges sur 59 aux législatives de Westminster, ne laissant que des miettes aux deux partis majoritaires du Royaume-Uni.

Ce succès s’explique en partie par la politique social-démocrate menée par le SNP qui tempère la violence de la politique ultralibérale de Cameron. Holyrood s’oppose aux coupes drastiques sur les minima sociaux décidées à Londres. Les promesses non tenues de transferts de compétences supplémentaires en matière sociale (promesses d’avant référendum de  2014) sont dans toutes les têtes de Glasgow à Aberdeen.

Les promesses non tenues
de transferts de compétences supplémentaires
en matière sociale
(promesses d’avant référendum de 2014)
sont dans toutes les têtes
de Glasgow à Aberdeen.

Dans ce contexte, le référendum décidé par Londres sur l’Europe (le Brexit) vient renforcer la démarche d’autodétermination de l’Ecosse. Le SNP fait campagne pour le Yes, majoritaire dans les intentions de vote en Ecosse, alors que l’issue du scrutin paraît plus incertaine dans l’ensemble du Royaume-Uni.

L’Ecosse entend rester européenne même si Londres décide de quitter l’Union. Si le Brexit devait l’emporter en juin prochain, la démarche d’autodétermination écossaise s’en trouverait  renforcée. Elle conduirait sans doute à demander à court terme un nouveau référendum sur l’indépendance.

Le vent du large souffle sur les Highlands.

Jamais les Ecossais n’ont été aussi peu enclins à céder leur haggis aux vainqueurs de la bataille de Culloden. Dans son prochain numéro Enbata reviendra sur les résultats du scrutin écossais du 5 mai et la campagne du Brexit au Royaume-Uni.

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