Ça y est, la cuvée électorale 2012 a été jugée et en tant que candidat, qu’il me soit permis ici de féliciter les vainqueurs et de souhaiter bon vent aux vaincu(e)s. À l’heure du bilan, ma foi nous avons toutes les raisons d’être satisfaits: avec nos 11.000 voix au premier tour, nous nous sommes posés comme arbitres du second, déterminants au minimum dans la chute historique de MAM et dans l’échec de François Maitia.
«La critique est facile
mais l’art est difficile»
L’essentiel de ce qui devait être dit sur le premier tour l’a été, j’aimerais ici revenir sur le second, qui appelle sûrement quelque éclaircissement. Vu de l’extérieur, la position adoptée par EH Bai avait le goût du ni-ni, la couleur du ni-ni, mais ce n’était pas un ni-ni. En politique, les mots ont un sens; et pour ceux et celles qui ont pris soin de lire ce qui a effectivement été écrit, il n’était pas compliqué de comprendre qu’EH Bai aurait voulu appeler à voter contre cette droite dure dépositaire de l’héritage Sarkozy, mais que ce sont les prises de position du PS sur certaines thématiques importantes qui l’empêchaient de le faire formellement, les électeurs abertzale étant alors laissés libres de leur choix. Il ne fallait pas être grand clerc pour en déduire que ces derniers, notamment sur la 6ème circonscription, étaient invités à voter soit blanc soit Alaux. Mais alors, nous dira-t-on avec raison: «pourquoi ne pas le dire clairement?».
C’est là que certaines choses doivent être éclaircies, et cela demande de bien prendre en compte le contexte de la prise de décision. Si l’opposition à la droite était unanime et qu’un appel formel à chasser MAM ou Grenet aurait en principe été évident, la question de la LGV notamment était rédhibitoire pour une partie importante de la base abertzale sur la 6ème circonscription. Dans un duel Alliot-Alaux, cette question était-elle primordiale, devait-elle renvoyer les candidates dos-à-dos? Chaque abertzale se fera son avis, selon sa grille de lecture idéologique ou tactique, et personnellement je ne jugerai jamais quelqu’un dont le point de vue est si cruellement conditionné par la perspective d’une voie LGV détruisant son propre lieu de vie. Mais le problème était là, qui se posait dans la plus extrême tension, les propos allant parfois jusqu’à l’invective. Alors, que faire?
Les vertus du consensus
Il est toujours des censeurs, à peine la décision finalement voulue consensuelle par EH Bai adoptée —et parfois même avant, ce qui est encore pire—, pour pousser des cris d’orfraie et hurler à l’irresponsabilité de la coalition, critiquer son fonctionnement donnant trop de place à l’avis des militant(e)s par rapport aux partis, et faire leur appel au peuple de leur côté. Sans s’appesantir sur la manière de faire, posons donc la question de l’alternative à la posture elle-même d’EH Bai. Certes, nous aurions pu «cadenasser» la prise de décision, ou la jouer au vote afin que chaque tendance montre ses muscles et que les plus nombreux s’imposent. À cette heure, je ne sais toujours pas qui l’aurait emporté mais ce que je mesure, c’est les dégâts que cela aurait provoqués au sein d’un mouvement dont l’effort collectif avait précisément permis le succès du premier tour. Dans ce genre de cas, l’on peut bien sûr ne penser qu’au di-manche suivant, mais il n’est peut-être pas stupide d’envisager aussi les années à venir et surtout les échéances si proches de 2014, tellement plus importantes pour nous que celles de 2012, et qui demandent de conserver notre cohésion…
Aujourd’hui, trois jours après le second tour des législatives, le succès est total. Nous avons laissé les abertzale libres de se déterminer et ils ont massivement décidé de faire tomber MAM et de châtier Maitia. Arbitres unanimement reconnus, y compris des candidat(e)s finalistes, nous avons su agir selon nos intérêts et choisir qui nous voulions faire passer et qui nous voulions faire tomber. En somme, tout en maintenant notre indépendance, nous avons capitalisé notre poids électoral et poussé nos adversaires à se dire qu’il est désormais temps d’agir en fonction de nous s’ils veulent espérer gagner, et cela jusqu’à ce que nous soyons en position de l’emporter nous-mêmes.
Des balises politiques
pour l’avenir proche
Mais la posture d’EH Bai a une autre vertu. Pour espérer l’emporter avec un bon report de voix abertzale, Colette Capdevielle, Sylviane Alaux et Jean Lassalle ont répondu à l’interpellation qui leur a été envoyée et y ont pris des engagements écrits, datés et signés. Fini le temps des promesses de campagne distribuées à longueur de débats radiophoniques, aussitôt envolées au gré des ondes qui les avaient charriées. À l’heure où la civilisation de l’écrit a supplanté l’ancienne force du hitza hitz, dépérissant d’avoir été tant galvaudé, ces engagements sont là, balises politiques des années à venir et futurs juges de paix dans cinq ans à peine, aux prochaines législatives.
Maitia est tombé pour trop de belles paroles et de promesses non tenues, Alaux et Capdevielle devront se montrer dignes de celles qu’elles ont elles-mêmes signées, il est vrai en leur nom propre et sans tampon du PS, ce qui n’est pas pour nous dissuader de rester sur nos gardes. Pour l’heure, le mouvement abertzale sort renforcé de cette élection avérée si difficile, 3ème force du Pays Basque Nord mais conscient de l’étendue de ce qu’il lui reste à faire pour bien préparer les échéances à venir. À nous de ne pas laisser retomber cette dynamique.