A partir de la progression des abertzale de gauche aux élections départementales de mars, EH Bai se doit de prolonger sa réflexion sur son organisation et sa stratégie politique futures. Ce sera tout le débat de l’assemblée générale du 27 juin prochain.
Le 27 juin prochain est convoquée une Assemblée générale d’EH Bai. Cette Assemblée générale constitue un rendez-vous majeur. D’une part, les résultats des élections cantonales ont supposé un saut qualitatif important pour le mouvement abertzale de gauche, qui ouvre des perspectives, mais soulève aussi des questionnements de fond vis-à-vis du développement à venir d’EH Bai. D’autre part, la conjoncture politique nous situe dans un moment délicat.
Commençons par ce second aspect. J’en soulignerais deux éléments. Le premier : les discussions autour du projet d’intercommunalité unique positionne le débat institutionnel en Iparralde à une étape charnière. Le second : le processus de résolution traverse une passe difficile du fait du blocage des Etats espagnol et français. Pour ce qui est du développement propre d’EH Bai, aux lendemains des bons scores des départementales, nous faisons la preuve que la perception sociale vis-à-vis du mouvement abertzale a définitivement changé en Iparralde. Non seulement les temps où l’on nous traitait d’”enbata zikina” sont révolus, mais nous sommes devenus aujourd’hui une force crédible d’alternance à la droite et au centre. Pour maintenir cette crédibilité, il nous faudra offrir un débouché aux attentes de ceux et celles qui sont susceptibles de voter massivement pour EH Bai. Nous serons ainsi obligés de dépasser un exercice qui consiste au simple comptage de nos votes, pour positionner dans les faits le projet abertzale de gauche comme le vecteur d’un réel changement politique en Iparralde.
Cela nécessite d’ouvrir une réflexion de fond pour élaborer une stratégie sur le moyen terme.
Structuration d’EH Bai
Dans cette perspective, nous avons un chantier préalable : celui de l’organisation interne et de la structuration d’EH Bai. C’est une des questions qui est à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 27 juin prochain, avec pour élément de débat la place des partis actuels (AB, EA, Sortu) dans le fonctionnement d’EH Bai. La précédente assemblée générale a entériné un EH Bai nouvelle formule, c’est-à-dire que nous sommes passés d’une coalition de partis à un mouvement politique pérenne. Le corollaire en est une adhésion qui est devenue une démarche individuelle des militant-e-s. Une partie des abertzale considère qu’il n’y a plus de raisons pour que les partis soient représentés en tant que tels dans cet EH Bai nouvelle formule. Il est évidemment nécessaire qu’un mouvement qui préconise la démocratie participative fonctionne selon des modes de délibérations donnant toute sa place à la base militante.
Cela étant, gommer toute représentation des partis actuels au sein d’EH Bai serait une erreur. Car le principal capital politique d’EH Bai est d’avoir réussi à construire l’unité entre des sensibilités, qui, récemment encore, s’affrontaient. Pour des raisons diverses, les partis actuels ne sont pas prêts de disparaître à court terme. S’ils ne sont pas représentés en tant que tels, et qu’ils ne peuvent pas exprimer leur sensibilité au sein d’EH Bai, ils recommenceront à le faire en dehors d’EH Bai, et nous altèrerons dans la société d’Iparralde l’image cohérente et la lisibilité que nous venons à peine d’instituer. Mais surtout, si nous voulons dans l’avenir maintenir un mouvement abertzale de gauche large, il est fondamental que les sensibilités diverses puissent être représentées au sein d’EH Bai.
Si nous ne voulons pas
que le processus de définition
et de maturation
efface toute diversité,
il ne faudra pas oublier
que la démocratie
c’est la loi de la majorité
dans le respect des minorités.
Maintenir la diversité
Pour beaucoup, la fin de la lutte armée clôt un débat qui a généré beaucoup de tensions entre nous. Mais attention ! Tout d’abord, le processus de résolution est loin d’être arrivé à bon port… Mais surtout, j’ai personnellement tendance à penser que, dans le sens où il incombe maintenant à EH Bai d’incarner une réelle force de changement, nous allons rentrer dans les prochaines années dans le “vif du sujet”, ou plutôt dans des sujets vifs, c’est-à-dire dans des discussions vis-à-vis desquelles nous risquons de constater de grosses divergences entre nous. Ces discussions touchent aux stratégies électorales, au concret des politiques que nous entendons mener si nous sommes aux manettes de certains lieux de décision en Iparralde, etc. Elles cristalliseront sûrement de nouvelles tensions entre nous, ce qui est normal. Elles susciteront aussi des regroupements entre militants en fonction de certaines affinités qui pourraient remettre en question les clivages entre les partis actuels. La clarté du débat et la transparence du fonctionnement nécessiteront
que ces regroupements soient officialisés, qu’ils s’expriment, et qu’ils soient représentés en tant que tels au sein des instances d’EH Bai. Enfin, au fil des débats et des positions adoptées majoritairement par les militant-e-s, la stratégie d’EH Bai et son projet iront en se précisant. Si nous ne voulons pas que ce processus de définition et de maturation efface toute diversité, il ne faudra pas oublier que la démocratie c’est la loi de la majorité dans le respect des minorités.
Pour qu’EH Bai maintienne demain ce qui constitue son potentiel, c’est-à-dire le fait d’être un mouvement large et un mouvement de rassemblement, il sera important que les sensibilités dont les points de vues se retrouvent minoritaires puissent continuer à s’exprimer et à être représentées en tant que telles en son sein.