Le 15 octobre, le premier ministre britannique David Cameron et son homologue écossais Alex Salmond signaient à Edinburgh un accord transférant au Parlement autonome de Holyrood les compétences constitutionnelles nécessaires à la tenue d’un référendum d’autodétermination. Les deux hommes affirmaient souhaiter «un référendum légal et juste produisant un résultat décisif et respecté». Je reviendrai dans une prochaine chronique sur les affrontements politiques et idéologiques suscités par cette perspective et me contenterai donc ici de rappeler quelles sont les différentes options sur la table, et de détailler un peu la teneur de l’accord d’Edinburgh.
Les différentes options
Statu quo. En 1999, le Royaume Uni a transféré une partie des pouvoirs du gouvernement central de Westminster aux Parlements autonomes d’Irlande du Nord, du Pays de Galles, et d’Ecosse. Dans le cas de l’Ecosse, les compétences transférées incluent notamment: santé et travail social, éducation et formation, police et justice, agriculture et pêche, environnement, tourisme et sport, transports locaux… Les «domaines réservés» conservés par Westminster sont entre autres: la constitution, la politique étrangère, la défense, la politique fiscale et sociale, les grandes mesures économiques, l’emploi, les grandes infrastructures…
Devolution-plus (ou «devo plus»). Il s’agit tout simplement d’accroître le pouvoir de Holyrood en lui octroyant de nouvelles compétences. Dans sa formule la plus communément évoquée, l’Ecosse pourrait contrôler les deux tiers des impôts et la gestion du système social. La politique étrangère, la défense, la politique monétaire, mais aussi la gestion des retraites et la TVA resteraient aux mains du Royaume-Uni. Cette formule séduit certains nationalistes, mais aussi certains unionistes à l’instar des «Liberal Democrats» qui vont même jusqu’à proposer de remplacer l’Acte d’Union de 1707 par une nouvelle «déclaration d’union fédérale» par toutes les composantes du Royaume Uni.
Devolution-max (ou «devo max»). Comme son nom l’indique, il s’agit de l’autonomie maximale que l’Ecosse puisse imaginer sans être indépendante. Elle jouirait d’une liberté fiscale complète mais resterait toutefois membre du Royaume-Uni ce qui impliquerait une politique étrangère et une politique de défense communes.
Indépendance. Telle que la conçoit Alex Salmond, il s’agit d’une version «light» de l’indépendance (d’ailleurs souvent surnommée «indy lite») afin de ne pas effrayer les électeurs indécis. La Reine d’Angleterre resterait chef de l’Etat (comme c’est le cas au Canada), la monnaie resterait la livre sterling, et l’Ecosse resterait membre de l’Union Européenne et de l’OTAN.
L’accord d’Edinburgh
Le premier round de la bataille entre nationalistes et unionistes a déjà eu lieu et l’accord d’Edinburgh est le résultat d’âpres négociations.
Le point central était de savoir si le texte du référendum devait proposer deux options (statu quo ou indépendance), ou si l’on devait en inclure une troisième («devo plus» en l’occurrence). Salmond préférait de loin la seconde formule car les sondages semblent indiquer que la «devo plus» est très populaire. En cas d’échec du «oui» à l’indépendance, il aurait pu revendiquer l’obtention de celle-ci comme une victoire. Cameron était au contraire farouchement opposé à cette formule qui risquait de diviser le camp des opposants à l’indépendance. Ne disposant pas de soutiens suffisants en faveur de sa formule, Salmond a fini par céder aux exigences de Cameron sur ce point.
La formulation de la question fait également débat. Salmond a proposé «Etes-vous d’accord que l’Ecosse devrait être un pays indépendant?», mais les Unionistes estiment que cette formulation est biaisée car il serait plus difficile de s’opposer à une affirmation que d’y adhérer. Les deux parties ont accepté de s’en remettre à l’arbitrage d’une Commission électorale.
La date du référendum était le troisième point de désaccord. Cameron souhaitait que la consultation se fasse le plus rapidement possible pour profiter de l’importante avance du camp unioniste dans les sondages, mais Salmond a obtenu que la date soit repoussée à octobre 2014, ce qui lui laisse le temps d’inverser la tendance —et de profiter de la commémoration du 700ème anniversaire de la bataille de Bannockburn, l’une des très rares victoires militaires des Ecossais sur les Anglais!
Dernier point d’achoppement, le corps électoral. Comme pour les élections au Parlement écossais, tout résident en Ecosse pourra voter même s’il est né dans une autre composante du Royaume-Uni; inversement, toute personne née en Ecosse mais n’y résidant pas ne pourra pas voter. Ce ne sont pas ces règles qui ont posé problème, mais l’âge légal du vote que Salmond voulait abaisser à 16 ans. Il estime en effet (à tort ou à raison) que les plus jeunes sont davantage favorables à l’indépendance, et il compte accentuer le contraste entre une Ecosse «moderne» et une Angleterre «sclérosée». Sur ce point également, Cameron a cédé aux exigences de Salmond.
L’opinion majoritaire est que ce premier affrontement entre indépendantistes et unionistes s’est soldé par une victoire de ces derniers. Le premier des points évoqués ci-dessus (nombre d’options proposées au vote) était en effet le plus important. Mais, à deux ans de l’échéance fatidique, rien n’est encore joué. Je reviendrai dans ma prochaine chronique sur les options et stratégies des deux camps.