Une élection législative dans la Communauté autonome d’Euskadi est toujours importante. Dimanche dernier 21 octobre, elle revêtait une signification supplémentaire car elle se dé-roulait pour la première fois hors de la violence, un an après l’arrêt de la lutte armée d’ETA, et que les forces politiques de la gauche abertzale pouvaient enfin y concourir. Rappelons-nous que l’assemblée sortante de Gasteiz était anormale puisque ces forces-là en étaient exclues, faussant grandement la représentation réelle des autres partis en présence, aujourd’hui ramenés à leur poids véritable. Ainsi, même le PNV, sorti grand vainqueur de ce dernier scrutin, perd trois sièges de députés et 16.841 voix et que le PSOE, qui a gouverné seul ces dernières années, passe lui de 25 députés à 16 et subit une lourde hémorragie de 106.173 voix. Il est vrai aussi qu’il paye, comme le Parti Populaire (PP), l’autre parti espagnoliste, le prix de la grave crise économique de l’Espagne.
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Le PNV, le Parti nationaliste basque arrive largement en tête sur l’ensemble de la Communauté autonome (CAV) avec 27 députés et 38,56% des suffrages. Il est le premier non seulement dans son fief traditionnel de Biscaye avec 58,43% des voix mais aussi en Alaba pourtant terre de mission avec 35,88% des voix. Il frise aussi, à 482 voix près, la première place en Gipuzkoa, pourtant fief récemment conquis par Bildu, avec 32,04% des voix contre 32,19% à la coalition de la gauche abertzale.
EH Bildu fait une entrée spectaculaire dans le panorama de la CAV. Il arrive en seconde position avec 276.989 voix, soit 25,00% des suffrages. Second aussi en Alaba, dans une province traditionnellement favorable aux partis espagnolistes, avec 34.122 voix (22,07%). La coalition de la gauche abertzale tient largement sa place dans la province la plus peuplée de Bizkaia avec 128.407 voix (21,49%). Il conserve de justesse son premier rang en Gipuzkoa qu’il gouverne depuis les élections à la députation de mai 2011, avec 114.460 voix (32,19%). Signalons aussi qu’EH Bildu n’arrive qu’en troisième position dans la capitale Saint-Sébastien, dont il dirige la mairie depuis l’an dernier, avec 22,31% des voix contre 29,61% au PNV et 22,74% au PSOE.
Le PSOE est lui en pleine déroute en sièges de députés, 16 au lieu de 25 en 2009 et 211.939 voix (19,13%) au lieu de 315.893 voix en 2009. Le Lehendakari sortant, Patxi Lopez, qui a gouverné les trois dernières années en minorité mais avec le soutien du PP, assume un mauvais bilan économique entraîné par la crise espagnole qui a été relativement amortie grâce à l’autonomie fiscale des provinces basques qui lèvent directement la totalité de l’impôt.
Le PP est en déroute. Déjà peu représentatif en 2009 avec 13 députés, il tombe à 10 élus, ce qui l’exclut de toute possibilité de coalition gouvernementale puisque la majorité du parlement de Gasteiz est de 38 sièges. Ceci n’est pas pour redorer l’image du gouvernement espagnol et de son chef Mariano Rajoy.
Le nouveau panorama
Plus de 1,7 million d’électeurs étaient appelés aux urnes dimanche dernier pour élire les 75 députés au parlement autonome de Gasteiz. La participation n’a baissé que de 0,5% par rapport à 2009 pour atteindre 57,73%. Aucun parti n’ayant la majorité, comment peut donc se constituer le prochain gouvernement basque? Une seule certitude, c’est le PNV qui détient les clefs du futur exécutif et son leader Iñigo Urkullu sera, quel que soit les cas de figures, le prochain Lehendakari. Dès le lendemain des élections, la ronde des négociations s’est ouverte. S’offrent au PNV trois possibilités:
— il gouverne en minorité, avec des majorités ponctuelles ou permanentes.
— il peut gouverner en alliance avec le PSOE et ses 16 élus (+ 27 du PNV = 43).
— il peut gouverner avec EH Bildu et ses 21 élus (+ les 27 du PNV = 48).
Parti de gouvernement, ayant dirigé la CAV depuis le retour de la démocratie post-franquiste, sauf lors de la dernière mandature, le PNV a connu tous les cas de figure: en coalision avec le PSOE, avec son dissident EA ou aussi, lors des accords de Lizarra-Garazi, avec le soutien sans participation de la gauche abertzale.
Au-delà de l’architecture gouvernementale quelle sera la stratégie recherchée par le PNV? Il a certes mis l’accent sur le redressement économique mais les rapports avec le pouvoir central seront toujours au cœur de l’action publique d’un parti abertzale. D’autant qu’Urkullu a, comme les Catalans, annoncé la reprise de la revendication d’autodétermination. Si les grandes lignes de l’action gouvernementale dépendent essentiellement du PNV, reste que son allié éventuel —en coalition, en soutien sans participation— peut infléchir sa politique. On voit bien qu’un compagnonage avec le PSOE ne serait pas le même qu’avec EH Bildu.
Les prochains Enbata nous diront la suite.