par Le Collectif Lurra eta etxebizitza
L’Assemblée Nationale vient de voter une augmentation de 20% de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires non louées. Voyons de plus près ce qu’implique cette réforme.
Tout d’abord, elle tente de répondre à un problème général d’accès au logement dans des «zones tendues» telles que définies par la Loi Alur : là où l’offre de logements est inférieure à la demande. Ainsi 28 agglomérations de plus de 50 000 habitants sont identifiées comme telles, et localement, 27 communes seraient concernées dans l’Agglomération de Bayonne .
Pour illustrer l’impact néfaste des résidences secondaires sur le marché immobilier, prenons l’exemple de Biarritz, qui est assez symptomatique : 25 900 habitants, pour 25 130 logements. A priori, pas de quoi manquer de logements. Oui mais voilà, 40% des logements y sont secondaires ! Il était urgent de prendre des mesures pour stopper cette situation !
Cette réforme mise sur son «pouvoir» dissuasif : le propriétaire de la résidence secondaire, ne pouvant ou ne voulant s’acquitter de cette augmentation, remettrait son bien sur le marché, en le vendant, ou au mieux en le mettant en location. L’idée est séduisante. Mais qu’en sera-t-il ? Est-ce qu’une hausse de 20% est suffisante pour réellement obtenir l’effet souhaité ? Le nombre de résidences remises sur le marché sera sûrement infime. Et de là à attendre que cette loi fasse basculer des résidences secondaires en résidences principales …
Indirectement, c’est peut-être un «tri» des propriétaires qui va s’opérer, des écarts qui vont se creuser. Les «petits revenus» ou les ménages moyens seront peut-être affectés, certains ne pouvant payer cette majoration. Mais une grande majorité de personnes, ne se laissera absolument pas dissuader par 100 ou 200 € à payer par an.
Pire encore, il est probable que le propriétaire se laisse tenter par la solution de facilité directement proposée par les agences immobilières : rembourser cette taxe par une semaine de location en haute saison. Et les prix pratiqués dans ce « marché saisonnier » ne feront que contribuer à l’inflation foncière et immobilière déjà en cours sur notre territoire.
Tout cela, en pénalisant encore l’accès au logement des habitants souhaitant vivre et travailler au Pays Basque. Or, a priori ce n’était absolument pas l’objectif de cette mesure.
De plus, cette loi est une proposition, un «recours» possible, chaque commune pouvant décider de son application ou non. C’est en quelque sorte un cadeau empoisonné : les municipalités savent qu’en appliquant cette loi, elles risquent de se mettre à dos des propriétaires , et donc des habitants, du fait des débats et mécontentements qu’elle suscite (car elle touche au droit de propriété). Or, le souhait d’une municipalité, sur le long terme, est d’être réélue. En clair, le risque est que les mairies ne voulant pas en assumer la responsabilité, fassent le choix de ne pas l’appliquer. Nous espérons que l’audace et la volonté de certaines mairies face à l’urgence à agir sur la situation, pourront servir d’exemple pour les plus sceptiques.
Enfin, c’est une taxe locale, qui sera reversée au budget des communes ou des intercommunalités. C’est une bonne nouvelle, mais pour que la dynamique portée par cette taxe soit constructive, il serait pertinent que cet argent soit réinvesti dans le domaine du logement et du foncier, comme par exemple pour: la préemption, l’acquisition de logements par la mairie pour maitriser les loyers, la réhabilitation de logements inoccupés pour limiter la construction, le rachat de terrains agricoles pour maintenir leur vocation, et promouvoir l’agriculture… Il ne s’agirait donc pas d’éponger les dettes des communes, auquel cas, l’intention serait malhonnête et uniquement punitive !
Cette loi a au moins le mérite de désigner publiquement le phénomène de propagation des résidences secondaires comme problématique ! Mais à elle seule elle ne pourra pas résoudre la difficulté d’accès au logement. Cette loi doit impérativement être accompagnée de différentes mesures prenant en compte tous les aspects de la problématique.
Il nous semble nécessaire de rendre effectif un encadrement des loyers et des prix, car bien souvent, l’offre immobilière est présente, mais elle est totalement en inadéquation avec les moyens des demandeurs! Il faudrait des mesures pour inciter à utiliser le bâti existant, pour ainsi limiter les constructions et leur impact sur la raréfaction des terres et sur les conséquences écologiques désastreuses. Enfin, il nous semble aussi légitime d’aider, de prioriser les acquéreurs et locataires souhaitant vivre et travailler dignement au Pays Basque à accéder à un logement, car ce sont tout de même eux qui participent en premier plan à l’économie locale.
Nous, membres du collectif Lurra eta etxebizitza, constatons clairement que cette loi ne résoudra pas la problématique du logement au Pays Basque, qu’elle n’est pas à la hauteur de la situation. Cette loi, inutile sans d’autres mesures, devrait être cependant la mesure MINIMALE à toute mairie qui entend lutter contre la spéculation immobilière.