Présidentielles

Enbata: Etes-vous, vous et votre candidat présidentiel, favorables à la ratification par la France de la Charte européenne des langues minoritaires qu’elle a signée mais qu’elle refuse de ratifier et qui implique une modification de l’article II de la Constitution?
Michel Veunac: La France a le devoir de ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. Cette position figurait déjà dans le programme de François Bayrou lors de l’élection présidentielle de 2007. Nous n’a-vons pas changé d’avis depuis. Notre pays doit reconnaître et soutenir les langues minoritaires, comme l’ont fait la grande majorité de nos partenaires de l’Union européenne. Nous devons permettre aux langues minoritaires de demeurer vivantes, car elles sont l’expression précieuse et irremplaçable d’une identité et d’un patrimoine culturel, qu’elles véhiculent et projettent dans l’avenir. La mort d’une langue est une défaite pour l’humanité toute entière, aime à rappeler le grand linguiste Claude Hagège. Nous partageons cette grande et belle idée. Dans les responsabilités publiques qu’il a exercées, notamment comme ministre de l’Education nationale, François Bayrou a toujours soutenu la diversité de notre patrimoine linguistique, en particulier vis-à-vis de l’euskara par le soutien qu’il a apporté à Seaska. Oui, il est urgent de ratifier la Charte européenne.

Enb.: La réforme territoriale votée en 2010 doit entrer en vigueur en 2014. La loi portant cette réforme supprime le “Pays” qui était l’entité porteuse des dispositions spécifiques pour le Pays Basque. Vous-même et votre candidat présidentiel, êtes-vous en faveur de l’abrogation de cette loi et de la création d’une collectivité territoriale spécifique pour le Pays Basque?
M. V.: Pour nous, la loi sur la réforme des collectivités territoriales doit être totalement réécrite. C’est une loi en trompe l’œil: sous prétexte de simplifier et de rationnaliser l’administration des territoires, ce qui peut se justifier, elle est dans son esprit profondément centralisatrice. La France a, au contraire, besoin d’ouvrir sans attendre un nouvel acte de sa décentralisation. C’est l’un des thèmes favoris de François Bayrou qui, vous le savez, est l’héritier d’une famille politique ayant toujours privilégié une vision décentralisée des territoires. La disparition du «pays», dont le Pays Basque a été l’initiateur, nous oblige à réfléchir à une nouvelle forme d’organisation territoriale. C’est l’objet de la démarche lancée par le Conseil des élus et le Conseil de développement du Pays Basque sur le thème: quelle gouvernance pour le Pays Basque après la disparition des pays? Nous sommes tout à fait favorables à cette réflexion, dans laquelle nous sommes d’ailleurs directement impliqués. La création d’une collectivité territoriale spécifique est l’une des hypothèses de travail de ce passionnant chantier, et nous envisageons tout à fait une telle solution si les travaux en cours, au demeurant fort bien dirigés, doivent y conduire. On ne peut pas s’extasier du degré d’autonomie de nos amis d’Euskadi en franchissant la Bidassoa et ne pas en tirer des leçons une fois revenus chez nous! Le Pays Basque a été hier l’inventeur des «pays», il doit inventer aujourd’hui la forme institutionnelle nouvelle qui serve le mieux son développement.

Enb.: Le Pays Basque est à cheval sur une frontière et vit donc le transfrontalier au quotidien. Pour vous et votre candidat, où doivent se traiter les politiques transfrontalières concernant le Pays Basque, notamment les actions en faveur de la langue basque? Une Eurorégion vous apparaît-elle pertinente?
M. V.: Comme toutes les politiques publiques en général, les politiques transfrontalières peuvent se traiter, selon leur nature et leur objet, à différentes échelles territoriales et institutionnelles. L’important est que ces politiques soient entre elles cohérentes et coordonnées. Chez nous comme chez nos amis d’Euskadi, il existe plusieurs niveaux d’intervention en matière de politiques transfrontalières. Plusieurs institutions et collectivités sont impliquées dans le transfrontalier et traitent, à leur échelle, des sujets sur lesquels elles ont autorité et compétence. Face à cette diversité des acteurs politiques, la question est celle de la cohérence des politiques publiques transfrontalières, et donc celle de leur bonne orchestration, ce qui n’est pas toujours le cas. A ce titre, notre conception décentralisée de l’action publique et notre engagement européen, nous conduisent à considérer que la notion d’euro-région est une forme institutionnelle pertinente pour entraîner, réguler et orchestrer les politiques transfrontalières, comme notamment les politiques linguistiques. La création récente de l’Eurorégion Aquitaine / Euskadi, sous forme juridique aujourd’hui officialisée par l’Europe d’un Groupement européen de coopération transfrontalière (GECT), représente de ce point de vue une réelle avancée. L’Eurorégion n’empêche en rien l’existence et l’intervention d’autres autorités publiques, à d’autres échelles territoriales, mais elle doit permettre de cumuler de façon positive leurs dynamiques respectives.

Enb.: De nombreux élus locaux, les associations de défense de l’environnement, des élus consulaires et de très nombreux citoyens refusent une LGV à travers le Pays Basque et demandent l’amélioration de la ligne existante. Quelle est votre position et celle de votre candidat présidentiel?
M. V.: Le débat sur la LGV et son tracé divise la société basque, comme il divise d’ailleurs les mouvements politiques. Le nôtre n’échappe pas à ce constat. C’est un débat riche, un débat de notre temps. Nous devons être collectivement à la hauteur de ce débat, ne pas se diaboliser mutuellement ou s’accuser réciproquement de mauvaise foi. Chacun a ses raisons, sans pour autant pouvoir prétendre qu’il a raison. En ce qui nous concerne, notre position peut se résumer en cinq points:
1) Le Pays Basque a besoin de la grande vitesse ferroviaire. Pour la compétitivité du territoire, c’est une chance supplémentaire d’être à 3 heures de Paris, à 2 heures de Madrid et à moins d’1 heure de Bilbao.
2) Le Pays Basque a besoin du report modal de la route vers le rail. Les milliers de poids lourds quotidiens de Bordeaux à Hendaye ou à Biriatou sont une calamité écologique qu’il faut faire cesser.
3) Le Pays Basque a besoin d’Eurocité ex-press, du tram-train transfrontalier reliant Ba-yonne à San-Sébastian, axe structurant de mobilité pour la grande conurbation basque qui s’annonce, moyen de déplacement pouvant réduire de 10 à 15 % le trafic automobile sur la côte. Le trafic du tram-train, avec son important cadencement, est-il compatible avec le TGV sur les lignes actuelles?
4) L’environnement du Pays Basque doit être protégé. Le patrimoine naturel du Pays Basque est une richesse, il ne faut pas lui porter atteinte. Si un nouveau tracé devait s’avérer inévitable, son inscription environnementale devra être parfaite.
5) Le débat démocratique doit se poursuivre. Il n’est pas possible d’imposer à un territoire un aménagement contesté par une grande partie de ses acteurs. Il faut trancher une fois pour toutes le débat d’experts, avancer vers un consensus sur les faits. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Que peut véritablement absorber la ligne actuelle et jusqu’à quand? Ne peut-on dissocier le trafic TGV des passagers et le trafic TGV du fret, ce dernier passant hors Pays Basque? Une fois de plus, ce débat a sa légitimité et doit se poursuivre, dans un respect mutuel.

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