Le collectif Entzun, faux nez de Carmen Immobilier et des différents lobbies du meublé de tourisme en Pays Basque, vient de rendre public un communiqué de presse intitulé « Mort d’une filière professionnelle : au moins 550 emplois menacés au Pays Basque ». Alda estime les chiffres annoncés totalement fantaisistes et les propositions avancées dangereuses pour le droit de la population locale à se loger en Pays Basque. Encore une fois, comme cela s’était produit en juillet 2022 sous le nom de « filière professionnelle de la location de vacances au Pays basque » , Entzun tente d’enfumer la population et les élus locaux. En 2022 déjà, Alda avait démontré le caractère fantaisiste de leurs chiffres, dont certains sont d’ailleurs en contradiction avec ceux avancés cette année par Entzun.
À quoi correspondent les chiffres avancés ?
Entzun prétend que la compensation, entrée en vigueur le 1er mars 2023 a déjà supprimé « 90 emplois directs au 1er janvier 2024 et que plus de 550 le seront en 2026 » en précisant que « 500 postes, c’est l’équivalent de 2 usines comme celle de fabrication de signalisation à Urrugne ou plus de la totalité des effectifs de l’aciérie de Bayonne. »
Alda aimerait savoir d’où sortent ces chiffres. Et de quoi parle-t-on ? Car la comparaison avec l’entreprise de signalisation d’Urrugne ou avec l’aciérie de Bayonne laisse entendre qu’il s’agit d’équivalents temps plein. Mais on se doute bien que les conciergeries et autres entreprises ayant fleuri depuis l’explosion d’Airbnb en Pays Basque proposent surtout des temps partiels, parfois employés quelques heures à la semaine pour des travaux de ménage, payés au lance-pierre, qui cumulent cette activité avec bien d‘autres, ou avec… le chômage. Bref, de combien d’équivalents temps plein (ETP) parle-t’on exactement ici ? Il faut également le comparer avec les autres chiffres donnés par l’Agence Départementale Tourisme 64 qui sert de référence pour certains des calculs d’Entzun.
Des postes (précaires) créés au détriment des autres emplois
L’économie du tourisme représente 15 400 emplois dans les Pyrénées-Atlantiques. Au Pays Basque, il y a 5690 offres d’emplois pour 3425 demandeurs (Source : Chiffres clés du tourisme Béarn et Pays Basque 2023 / ADT64). Bref, le Pays Basque ne manque pas de propositions de travail dans le secteur mais au contraire de main-d’œuvre, bien souvent découragée par le manque de logements disponibles, car transformés en meublés de tourisme ! De plus, les airbnb et compagnie constituent une concurrence directe aux hôtels, aux restaurants ou aux campings. Les emplois, particulièrement précaires, qui se créent dans le premier secteur le sont la plupart du temps au détriment du second, ainsi qu’au détriment des postes qui géraient dans les agences immobilières l’activité locative à l’année.
D’ailleurs, le 20 juin 2024 au Tribunal de commerce de Lisieux, une vingtaine d’hôteliers épaulés par l’Umih, premier syndicat patronal du secteur, ont assigné en justice la plateforme Airbnb pour «concurrence déloyale», lui réclamant 9,2 millions d’euros de dédommagement.
Moins de retombées économiques
D’autre part, Alda a déjà démontré dès 2022 que les meublés de tourisme induisent pour le territoire pratiquement deux fois moins de retombées économiques que les mêmes logements quand ils sont habités à l’année. On ne peut donc pas attirer l’attention sur les pertes d’emplois ou de retombées économiques que l’on imagine induites par la compensation sans les comparer avec les gains qu’elle a et qu’elle aura pour le territoire, avec le reste de l’économie touristique et avec le niveau des revenus générés pour la population locale par le reste des meublés de tourisme non concernés par la compensation.
Esprit de responsabilités ?
Pour dénoncer la compensation, Entzun affirme que « Le but premier annoncé – massivement ramener du logement – n’est pas atteint ». Là encore, c’est de l’enfumage. Le but premier de la compensation était de stopper l’hémorragie de la transformation des logements habités à l’année en meublés de tourisme. La Cour de cassation ayant validé dès février 2021 la mesure de compensation adoptée par les métropoles de plus de 200 000 habitants comme Paris ou Lyon, les plateformes comme Airbnb se sont massivement redéployées vers « les petites villes du littoral et les territoires ruraux ». Si la CAPB n’avait pas réagi aussi vite, nous aurions perdu des milliers et des milliers de logements supplémentaires, comme ça a été le cas sur toute la façade atlantique, des Landes à la Bretagne. La compensation en Pays Basque a bien atteint son but premier : stopper l’hémorragie. Quant à regagner des logements, elle commence à le faire et Alda suit de nombreuses personnes qui ont enfin pu trouver un logement, après parfois 2 ans de recherche, qui était jusque-là loué en airbnb. Plus le temps avance et plus certaines autorisations de changement d’usage (délivrées pour 3 ans) viennent à terme ; plus ce nombre augmente et va augmenter.
Le vrai problème aujourd’hui est la fraude massive, notamment pratiquée par les SCI et SARL qui continuent à louer en courte durée alors qu’elles n’en ont plus le droit. Entzun qui prétend que les professionnels de la filière ont montré leur esprit de responsabilité ; qui est si prompt à dénoncer le manque de production de logement social par les élus (comme si la pénurie à ce niveau venait justifier d’en laisser perdre encore plus dans le parc locatif privé, infligeant de ce fait une double peine à la population locale) ; ne dit pas un mot des 2000 logements ainsi soustraits en toute illégalité à l’habitation à l’année ! Vous avez dit “esprit de responsabilité” ?
Attention, propositions dangereuses !
Sur la base de ces postulats fallacieux, Entzun réalise une proposition tout aussi trompeuse : « Pour limiter le nombre de biens ouverts à la location saisonnière, il faut instaurer une règle simple : une personne physique = un logement loué en courte durée = un changement d’usage avec compensation à partir du deuxième bien ».
La proposition de restreindre la compensation aux seules personnes physiques propriétaires d’au moins trois logements (Résidence principale + un meublé de tourisme permanent sans compensation + un autre meublé à compenser) est un énorme recul, elle consiste à réduire la mesure à un pourcentage très minoritaire du problème, facilement contournable par les personnes concernées avec un simple acte notarié. L’hémorragie continue de plus belle, et on perdra la majorité des logements qui étaient regagnables.
Il faut bien comprendre les choses basiques suivantes : quand on parle de meublé touristique permanent, on ne parle pas de résidences de tourisme qui ont été construites avec cette vocation de tourisme ; on parle de logement. On parle de bâtiments ou de biens qui ont été construits, parfois avec l’aide de collectivités locales, afin que des gens y habitent à l’année. On parle de logements qui ont perdu cette vocation. Dans la très grande majorité des meublés touristiques permanents que nous avons actuellement en Pays Basque, des gens y habitaient, à l’année, il y a dix ans ou beaucoup plus récemment. Avant de construire plus, il faut s’assurer que ce que l’on construit aujourd’hui restera un logement demain.
L’autre problème majeur est le prix ; le prix du foncier et le prix de la location, des prix qui sont au-delà des revenus des habitants du territoire. Là aussi, il faut rappeler que la période de déréglementation totale des meublés touristiques permanents que nous avons connue, a entraîné une hyper-rentabilité du système et que cela a attiré des investisseurs qui ont multiplié les plus-values à court terme. Les cours de l’immobilier ont explosé, rendant le parc privé inaccessible à la population locale, et rendant également la production de logement social encore plus difficile pour les collectivités.
La compensation et les résidences secondaires
Quant à la proposition d’Entzun d’exempter de compensation les résidences secondaires (« déverrouiller une partie de ces logements pour bénéficier de lits en dehors de la haute saison »), rappelons que tous les meublés touristiques permanents sont des résidences secondaires. Et la période de déréglementation que nous avons connue ces dernières années a renforcé l’essor des résidences secondaires. La plupart des meublés de tourisme permanents que nous avons actuellement sur le territoire ne sont pas des résidences secondaires dont les propriétaires ont profité de l’aubaine d’Airbnb pour gagner de l’argent. C’est l’inverse, il s’agit de personnes qui ont profité de l’aubaine d’Airbnb pour acheter des logements et les transformer en résidence secondaire. Depuis la mise en place du règlement de compensation, les banques ne prennent plus en compte les revenus d’Airbnb dans les plans de financement d’achat de résidences secondaires sur la Côte basque. La demande baisse et le volume de transaction aussi. Rouvrir cette possibilité aujourd’hui entraînera immédiatement un nouvel essor de transformation de résidences principales en résidences secondaires, par les mêmes mécanismes. Une telle exemption devrait être assortie de conditions draconiennes pour seulement pouvoir être discutée : patrimoine familial, résidences secondaires « historiques » avec une ancienneté supérieure à 15 ans, et autres conditions supplémentaires à étudier et à débattre.
Nous conclurons donc quasiment mot pour mot de la même manière qu’en juillet 2022 dans notre réponse à l’argumentaire économique des lobbies du meublé de tourisme de juillet 2022 :
Un meublé de tourisme permanent (on ne parle pas ici des personnes louant leur résidence principale pendant un ou deux mois par an) appauvrit le territoire, en même temps qu’il aggrave la crise du logement ! Gardons bien ça en mémoire : un résident permanent génère plus de valeur ajoutée, et des emplois moins précaires, au territoire qu’un touriste logé dans un meublé de tourisme. L’hébergement de ces derniers ne peut, ne doit pas se faire au détriment du logement de la population locale !