La question de l’eau fait partie de la question alimentaire. Partout elle devient source d’inquiètude et objet de débats; elle constitue un des enjeux politiques majeurs du niveau local au niveau planétaire.
Malgrè quelques orages récents, la France subit une de sécheresses les plus sévères de ces dernières décennies. D’après Météo France, le printemps 2011 est le plus chaud depuis 1900. Pénurie d’eau, certes; mais surtout, mauvaise utilisation et mauvaise répartition… tel est le diagnostic qui doit faire l’objet d’un débat social approfondi. L’agriculture est au cœur de ces questions parce qu’il ne peut y avoir de production sans eau, mais aussi parce qu’elle ne peut traiter la question de l’eau en ignorant les autres secteurs, et encore moins, contre les autres secteurs.
Effets à plus ou moins long terme
Le thème de l’eau soulève de nombreuses questions de fond sur lesquelles nous avons prise plus ou moins directement, avec des effets à plus ou moins long terme:
l Il y a évidemment le changement climatique qui est à l’œuvre, ce que plus personne ne conteste. Les causes liées à l’activité humaine sont identifiées. L’agriculture a sa part de responsabilité, surtout l’agriculture industrielle et intensive. La déforestation, la diminution des surfaces en prairie, la monoculture, l’utilisation massive de pesticides, d’engrais chimiques, la substitution croissante du travail par le capital contribuent à augmenter les émissions de gaz à effet de serre, et exigent toujours plus d’énergie directe ou indirecte, entraînant les mêmes conséquences. Une agriculture qui s’éloigne des logiques d’économie, d’autonomie et d’agronomie accroit sa responsabilité dans le changement climatique et devient structurellement sensible à la pénurie d’eau.
l Le modèle agro industriel veut maîtriser tous les paramètres dans un système hors sol et hors territoire (mêmes modèles sous toutes latitudes), et hors climat en tentant d’adapter le climat aux systèmes agricoles retenus plutôt que de faire l’inverse: la monoculture du maïs est l’exemple le plus flagrant: il nécessite de l’eau quand il pleut peu, et laisse le sol nu en hiver quand il pleut… Tant que ce système se maintiendra et se développera il n’y aura jamais d’issue, quelles que soient les sommes englouties. Dans le seul bassin de l’Adour, qui va du Pays Basque jusqu’à Tarbes et Mont de Marsan, la monoculture du maïs irrigué est passée de 44.000 ha en 1971 (6% de la surface utile) à 171.000 ha en 2008 (24% de la surface), et la revendication de nouvelles réserves ne cesse de croître.
l Quand on parle de l’eau, on parle de maïs. Pourtant, il n’y a pas d’obsession ou de fixation politique contre cette plante aux grandes capacités dans un terrain et un climat adaptés. Le gros problème est que le lobby qui prétend la défendre en a fait la culture qui concentre sur elle tous les conflits potentiels: monoculture, OGM, irrigation, éthanol, pesticides…
Nous assistons à une montée au créneau sans précédent des partisans de l’irrigation. Les chambres d’agriculture, la FNSEA, les Irriguants de France ont tenu ce mardi 28 juin un colloque intitulé “Sécheresse: arrêtons de gaspiller l’eau!” (comme quoi tout est dans la com!). Le communiqué qui rend compte des travaux ne parle ni de monoculture, ni d’agrocarburant. Il n’y est question que de reserves nouvelles à créer, car “sur les 200.000 milliards de m3 de pluie qui tombent chaque année en France, seuls 6 sont utilisés dont 4,6 pour l’agriculture” (le reste ne sert à rien?). “L’agriculture irriguée représente de nombreux emplois…”. Pourtant des études démontrent que pour une base de 1.000 ha, il y a deux fois moins d’emplois dans les grandes cultures irriguées, que dans le reste de l’agriculture. La FNSEA demande un investissement de 1 à 1,5 milliards d’euros pour créer les réserves “soyons responsables: pensons aux prochaines générations d’agriculteurs…”
Trop beaux pour être honnêtes
Enfin, puisque tous les arguments sont bons il y a l’arme fatale: “Il faudra accroître de deux tiers la production agricole d’ici 2050 pour répondre aux besoins de l’humanité…” Pour que la France con-tribue à la réduction de la famine il faudrait surtout sortir de la monoculture, instaurer une rotation, avec les cultures de légumineuses et de protéagineux de façon à être autonomes en protéines, pour ne plus importer de soja et ainsi libérer ces terres pour l’alimentation des populations locales. Il faudrait aussi arrêter l’alimentation des usines d’éthanol et réorienter, par exemple, les 60.000 ha de maïs qui vont à l’usine de Lacq vers les circuits de l’alimentation animale et humaine. L’exposé des motifs des promoteurs de l’irrigation sont trop beaux pour être honnêtes, car trop décalés par rapport au reste de la politique qu’ils préconisent. Ils auront un peu plus de crédibilité le jour où ils seront pour la répartition juste de l’eau entre paysans, pour l’adaptation de l’agriculture au climat avec de vraies et longues rotations, pour la limitation de l’agrandissement des exploitations et la répartition des aides, pour l’eau comme outil de sécurité et non d’intensification, pour l’arrêt des agrocarburants aux rendements les plus mauvais (éthanol…)
L’eau est aussi l’un des plus gros enjeux sur le plan international. Du 10 au 18 mars 2012, se tiendra à Marseille le Forum alternatif mondial de l’eau à l’initiative d’associations, de syndicats, d’ONG, de citoyens et d’élus de toute la planète. A suivre, de près…