Rappeler la purification ethnique, “la pureté du sang” selon Arana Goiri en cette année 2010, c’est-à-dire 107 ans après le décès d’Arana, parler de “nationalisme obligatoire” relève pour le moins du gâtisme. Je ne nie pas le côté racial de l’idéologie aranienne, les quatre grands-parents et les parents nécessairement basques qui rappellent les quartiers de noblesse de l’ancien régime et du “sang bleu”. Mais cela ne relève-t’il pas d’une certaine époque, d’un scientisme du XIXe siècle et Gobineau n’était-il pas français. “L’essai sur l’inégalité des races humaines” développe le concept de “race pure” qui sera repris par les Allemands. Dans les races inférieures figurent les juifs et la France est plongée dans l’affaire Dreyfus lorsque Sabino et Luis Arana Goiri créent le nationalisme basque. Je ne nie pas la xénophobie d’Arana à travers le “maketo”, mais Maurras et l’Action française fustigent les “métèques”. N’est-ce pas du pareil au même?
Au fait, à la suite du décret antisémite du 3 octobre 1940, révisé et corrigé par le maréchal Pétain en personne, comment a t’on défini le juif en France sinon à travers ses parents et ses grands-parents et cela plus de 40 ans après Arana Goiri? S’il est passé beaucoup d’eau sous les ponts de la Seine ou du Rhône, il en est passé autant sous les ponts d’Aturri ou d’Ibaizabal, chaque peuple ayant connu ses heures sombres.
Actuellement en France vivent des “Français de souche” et des “Français d’origine étrangère”. Cela ne fleure-t’il pas un racisme ambiant? Simple hypothèse: si je me déclare “Basque de souche” je suis qualifié d’ethnicisme et de communautarisme nauséabond, mais si je me classe parmi les “Français de souche” la puanteur disparût et je nage dans l’universalisme. Le “vivre ensemble” suppose le respect réciproque dans la diversité naturelle des êtres et de leurs opinions.
Le “Temps d’aimer” de Biarritz fait venir sur la côte basque de nombreux journalistes dont on peut lire les commentaires comme par exemple ceux de Raphael Gubernatis du Nouvel Observateur. Ardent défenseur des langues régionales, il se déclare heureux que dans bien des villages du Labourd, de la Basse-Navarre ou de Soule les lieux soient désormais désignés en “euskara” comme en français. Mais —car il y a un mais— au Festival de danse de Biarritz, les annonces aux spectateurs sont faites en basque d’abord, en français ensuite, “pratique incontestablement mal venue”. C’est en français que “ne serait-ce que par courtoisie” que l’on doit s’adresser au public d’autant plus que “le français est la langue de la nation entière et qu’à ce titre elle a le pas sur les langues régionales aussi belles et respectables soient-elles”.
De la même manière que l’on a pu parler de races supérieures et de races inférieures au XIXe siècle, on fait allusion ici à une langue supérieure, le français et à des langues inférieures, les langues régionales, en l’occurence l’euskara à Biarritz et au Pays-Basque. Que le journaliste du Nouvel Obs se mette bien en tête que l’euskara, pas plus que la religion ne relève pas que du privé, que le repli auquel l’euskara a été contraint est terminé, que de la défense on est passé, particulièrement au Pays-Basque, à la promotion de la langue et qu’il n’y a aucune raison pour le journaliste de voir d’un bon œil la signalisation en basque et de ne pas l’entendre précéder le français dans les annonces du “Temps d’aimer”. C’est un problème de tolérance, de respect envers la langue du pays. Le “vivre ensemble” passe aussi par l’égalité des langues, l’emploi de l’euskara et du français et je félicite les responsables de “Biarritz Culture” de donner la priorité à l’euskara quitte à exaspérer le public qui, petit à petit, finira par s’habituer et fera preuve de tolérance envers une langue millénaire, mystérieuse et belle.