Les mythes ont de la durée, tel celui des «cent jours» qui semblent être d’une importance capitale dans notre Ve république, plus particulièrement pour le quinquennat. A chacun ses croyances!
Pour moi, simple citoyen qui ne garde que le souvenir lointain des leçons d’histoire de l’enseignement secondaire, les premiers «cent jours» datent de 1815. Je ne sache pas que cette période ait eu un quelconque retentissement avant Napoléon Bonaparte, empereur des Français, condamné à être le roitelet de l’île d’Elbe en 1814. Grandeur et décadence! Certes, il a compté dans l’histoire de France du XIXe siècle, son «aura» se prolongeant avec le second empire de «Napoléon le petit», ainsi que le désignait Victor Hugo, et le parti bonapartiste du début de la IIIe république. Il a même fait l’objet de pastorales tant béarnaise (en français) que souletine (en basque), ce qui accrédite l’im-portance de sa légende. L’amateur de «titxo» qui aime à faire rimer en manière de plaisanterie nous a légué un «Napoléon Bonaparte, leher eta zalapart», qui contredit totalement la légende napoléonienne. Souvenir de jeunesse, toujours présent dans ma mémoire.
Les «cent jours» commencent au moment où Napoléon quitte l’île d’Elbe, débarque en Provence et s’achemine victorieusement vers Paris. Ils se terminent dans la morne plaine de Waterloo le 18 juin 1815. Autrement dit, les «cent jours» s’achèvent par la défaite, la débâcle, l’exil à Sainte Hélène. Ce n’est pas le début d’une présidence de la république, c’est la fin désastreuse d’un empire.
Je ne sais si persiste encore la tradition du «Père cent» bien connue dans les casernes de France et de Navarre selon la formule consacrée. Il est vrai que le service militaire obligatoire a été aboli et certainement la tradition avec. Le «Père cent» marquait les derniers cent jours à passer à la caserne et, en conséquence, signifiait la libération prochaine, le retour à la vie civile. C’était donc un jour de fête. Je garde le souvenir d’un «Père cent» au cours de ma troisième année d’Ecole normale au lycée Victor Duruy de Mont-de-Marsan et de la fête que notre promotion fit avec la permission spéciale accordée par le censeur de l’établissement. C’était, en effet, la fin d’un cycle, le terme de trois années de camaraderie et d’amitié, le départ vers une nouvelle vie. Cela valait bien une fête.
Les «cent jours» de Napoléon ont une fin tragique, le «Père cent», au contraire, annonce une libération. Qu’en est-il des «cent jours», les cent premiers jours d’un règne présidentiel dans une république monarchique ou une monarchie républicaine telle qu’elle existe actuellement? Cette période est, selon certains, capitale. Elle peut marquer la rupture avec le règne précédent, elle doit fixer une politique, établir un cap, orienter l’action d’un nouveau gouvernement, bref, conditionner les 1725, ou plutôt les 1726 (à cause d’une année bissextile) jours suivants.
J’imagine un président de la république qui, à l’image de Dieu (c’est ainsi que certains désignaient Mitterrand), assurerait la création de l’univers quinquennal au cours des «cent jours» et qui, satisfait de son œuvre, décide de se reposer à partir du cent unième jour. Telle serait la genèse du ciel élyséen et de la terre démocratique où s’affairent les politiciens, une majorité qui agit, une opposition qui s’oppose. Amen! Et que surgisse un nouveau «titxo»: «amen, zu hor eta ni hemen».