Quelle que soit l’évolution du dossier «gouvernance du Pays Basque», la réunion des Conseils de développement et des élus du Pays Basque qui s’est tenue le 8 mars fera date. Je pense sincèrement que rien ne sera plus comme avant: ou bien, ce qui a été dit et partagé ce jour-là prend racine, et nous nous acheminons vers la création d’une collectivité territoriale spécifique du Pays Basque, ou bien, on efface tout, on siffle la fin de la récréation, et dans ce cas, la poursuite de l’aventure du Conseil de développement et du Conseil des élus est plus que mise à mal. Et, ce n’est pas la peine que les partisans du statu quo regrettent de n’avoir pas fait ce qu’il fallait pour éviter le contenu de cette réunion; ce qui s’est passé ce 8 mars n’est pas un accident de l’Histoire; ce n’est pas un événement ponctuel… De toutes façons, il aurait eu lieu tôt ou tard; il aurait même dû avoir lieu depuis un moment…
Une conviction partagée
Cela fait quand même un bon bout de temps qu’il y a, ici, une volonté et une revendication pour une reconnaissance institutionnelle du Pays Basque. De façon implicite ou explicite, chacun, probablement, porte en soi, ce «sentiment d’appartenance» qu’il ne veut pas forcément contenir à la sphère privée, intime ou secrète. Il s’agit d’un sentiment collectif d’appartenance qui demande un cadre public pour, en quelque sorte, avoir pignon sur rue! Ce sentiment collectif d’appartenance devient également une communauté de destin! Et une communauté de destin, ça suppose une forme d’organisation représentative de tous ceux qui sont concernés par ce destin commun. La revendication institutionnelle est une déclinaison de ce sentiment transversal. C’est la raison pour laquelle, des citoyens de toute tendance y adhèrent. De toutes façons, s’il n’y avait pas cette réalité, un préfet et un sous-préfet, n’auraient jamais lancé l’opération «Pays-Basque 2010». C’était en 1992… Et, c’est certainement pour ça que la mayonnaise a pris, ici, bien plus et mieux qu’ailleurs.
L’essentiel des acquis apportés par les dispositifs mis en place depuis, n’est pas tant les financements inscrits dans les contrats spécifiques, car les financements publics existent de toutes façons, ici et ailleurs, et le droit des territoires à être accompagnés par les collectivités, l’Etat et l’Europe est une réalité partout. Même ceux qui n’ont pas nos dispositifs particuliers, pour peu qu’ils aient des projets et une dynamique collective, arrivent certainement à décrocher le même niveau de soutien de la collectivité, que le Pays Basque. Ceci doit être facilement vérifiable… Par contre, je crois que l’essentiel de l’acquis est d’avoir réussi, entre personnes d’origine, de culture, de sensibilité très différentes, à lever les tabous, travailler ensemble et se dire qu’il n’y a pas besoin forcément d’être d’accord sur tout pour être d’accord sur quelque chose et travailler ensemble!
Les vingt années, 1992-2012, peuvent être séparées en deux parties: une première, où l’acquis dont je parlais à l’instant a été le plus manifeste. C’est la période où la question institutionnelle avec, entre autre, la formule du département Pays Basque, a le plus progressé dans les têtes des participants aux différents groupes de travail des CDPB et CEPB. Une certaine conviction a été partagée: ce Pays a des atouts, une dynamique, une effervescence, des projets qui ne sont pas pleinement exploités ou valorisés parce qu’il n’y a pas de cadre institutionnel pour leur donner le maximum de chance de vivre durablement et de façon structurée. Les personnes ressources qui nous ont accompagnés dès le départ, ont rapidement pointé du doigt ce phénomène, ils nous ont aidés à en avoir conscience et à le formuler. La contribution du Pays Basque aux Assises des libertés locales, en 2002, a d’une certaine façon, exprimé cette première période. Le ton était donné dès l’introduction du document: «Il s’agit de faire connaître et de faire reconnaître le Pays Basque». Malheureusement, ce document est resté sans suite, mais il demeure une référence dans le long chemin de la gouvernance du Pays Basque…
Longue période de frustration
Et puis, il y a eu une deuxième période, davantage plombée par un réalisme, et qui tend à s’imposer: «l’essentiel, c’est les projets, c’est les crédits qu’on peut décrocher; l’important, c’est le contenu et non le contenant, etc., etc.». C’est une longue période de frustration. Les plus opposés à une reconnaissance du Pays Basque font partie de ceux qui glorifient le plus le couple CDPB et CEPB. Le fait de ne pas avoir de cadre institutionnel serait une chance dont nous aurions du mal à percevoir tous les atouts! Alors, l’Histoire s’écrit en dehors; Batera prend une place croissante dans le débat de société et réussit à rassembler des personnes de sensibilités différentes; Euskal Herriko Laborantza Ganbara voit le jour de son côté…
Et, nous arrivons maintenant à ce qui devrait être une autre période: la réunion du 8 mars n’est pas, comme je le disais au début, un événement isolé et ponctuel. C’est l’expression partagée de l’état de maturité de la volonté de reconnaissance du Pays Basque. La Collectivité territoriale spécifique est jouable, et on s’apprête à dire collectivement «Banco!». Une Collectivité avec élection au suffrage universel direct, une fiscalité et des compétences propres. Pour ce qui est des compétences, il ne faut pas qu’elles ne soient que symboliques: je pense en particulier à l’agriculture qui devra en faire partie, tout comme d’autres secteurs essentiels.
Bon, ce n’est pas encore fait! Beaucoup de choses restent à travailler… Mais, personne n’a le droit de casser ce qui s’est passé ce 8 mars! On n’a pas le droit de revenir en arrière!