Vers un « Kurdistan Occidental » par David Lannes

C’est en saisissant les possibilités offertes par le délitement du régime de Saddam Hussein à la fin de la première guerre du Golfe que les Kurdes d’Irak ont bâti leur autonomie. La «Région autonome du Kurdistan» (ou Kurdistan irakien) est aujourd’hui une entité fédérale autonome regroupant environ 5 millions de personnes et reconnue internationalement. Les Kurdes de Syrie semblent bien décidés à suivre l’exemple de leurs cousins irakiens, et dans les provinces du Nord-Est de la Syrie, où l’emprise du régime de Bachar el-Assad se relâche, le «Kurdistan occidental» prend forme…
Focalisé sur la bataille d’Alep, Bachar el-Assad a choisi de faire appel à ses troupes loyales positionnées dans les provinces périphériques. Presque immédiatement, dans les zones kurdes du Nord-Est de la Syrie, des milices kurdes ont pris le contrôle de plusieurs grandes villes. La rapidité de cette opération contraste avec l’attentisme des Kurdes depuis le début des soulèvements en Syrie. Les différentes formations kurdes étaient en effet divisées sur cette question. La plus puissante d’entre elles, le Parti de l’Union Démocratique (PYD, généralement présentée comme le bras politique du PKK en Syrie) avait en effet choisit de soutenir le régime d’el-Assad alors que le Conseil National Kurde (KNC, une coalition d’une douzaine de partis) était plus proche de la rébellion. C’est à Masoud Barzani, Président du Kurdistan irakien que l’on doit le rapprochement de ces deux formations rivales. Réunis sous son égide à Erbil, en Kurdistan irakien, le PYD et le KNC ont créé et intégré une nouvelle structure chargée de gouverner les zones kurdes «libérées». Cet accord comporte également un volet militaire, avec la création d’«Unités de Protection Populaire» kurdes, en partie entraînées au Kurdistan irakien, et dont on a pu ces jours-ci constater l’efficacité.

Défendre leur région
L’alliance des différentes formations kurdes après des années de dissensions attisées par le régime syrien a été facilitée par le manque de crédibilité du Conseil National Syrien (CNS) sur le dossier kurde, et plus généralement en matière de respect des droits des minorités. Il est vrai que les trois parrains de cette coalition d’opposants au régime syrien– l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie – ne jouissent pas d’une réputation reluisante en la matière. Certes, le CNS a bien tenté de faire illusion en se dotant, le 6 juin dernier, d’un président kurde… Mais moins d’un mois plus tard, le KNC claquait la porte du CNS qui s’obstinait à exiger que la Syrie soit considérée comme une «nation arabe».
Cette prise de distance de la rébellion kurde avec les opposants arabes au régime d’el-Assad s’observe aussi au niveau militaire entre les «Unités de protection» kurdes et l’Armée Libre de Syrie (ALS). S’expliquant sur le fait que les combattants kurdes n’aient pas laissé l’ALS pénétrer sur leur territoire, le vice-président du PYD a fait savoir «que [les Kurdes] n’ont pas pris la décision d’affronter l’ALS, mais [ils] doivent défendre leurs régions eux-mêmes». De son côté, le vice-commandant en chef de l’ALS a fait savoir que si les Kurdes faisaient un pas vers la création de leur propre Etat au sein de la Syrie, «l’ALS ne les laisseraient jamais faire». On a déjà vu entente plus cordiale entre alliés de circonstance…

Une autonomie de facto
Les Kurdes ne semblent pas s’en soucier outre mesure, et alors que le CNS est paralysé par d’innombrables dissensions internes, ils s’organisent sur le terrain: écoles de langue kurde, comités de protection, réflexion sur les services publics, etc., fleurissent dans les zones sous leur contrôle. Quel que soit le nouveau pouvoir qui émergera des affrontements actuels, il devra composer avec une autonomie kurde de facto… exactement comme ce fut le cas en Irak.
Il va sans dire que cette perspective ne réjouit pas la Turquie qui soupçonne el-Assad d’avoir volontairement soutenu les Kurdes de Syrie. «Dans le Nord, a ainsi déclaré le Premier ministre Erdogan, Assad a déjà alloué cinq provinces aux terroristes». Erdogan n’a d’ailleurs peut-être pas complètement tort car les Kurdes se sont emparés du pouvoir sans avoir à combattre, ou presque pas… Cela ne change rien au problème de la Turquie qui redoute que la création d’un «Kurdistan occidental» autonome ne ravive les revendications des Kurdes de Turquie, et ne serve de base arrière au PKK. Le ministre des Affaires Etrangères turc a donc clairement fait savoir que son pays ne tolérerait pas «la création d’une structure terroriste près de [la] frontière», et Erdogan a même menacé d’intervenir sur le territoire syrien : «C’est notre droit le plus naturel puisque ces formations terroristes troubleraient notre paix nationale». Une paix nationale toute relative puisque la guérilla du PKK redouble d’intensité et que l’armée turque vient de mobiliser 2000 hommes à la frontière irakienne. Il serait probablement bien plus profitable à la «paix nationale» que la Turquie prenne acte de la création du «Kurdistan occidental» comme elle a si bien su le faire avec le Kurdistan irakien…

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre, financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.
Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.
« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.
Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.
Faites un don ou abonnez vous à Enbata : www.enbata.info/articles/soutenez-enbata

  • Par chèque à l’ordre d’Enbata, adressé à Enbata, 3 rue des Cordeliers, 64 100 Bayonne
  • Par virement en eusko sur le compte Enbata 944930672 depuis votre compte eusko (euskalmoneta.org)
  • Par carte bancaire via système sécurisé de paiement en ligne : paypal.me/EnbataInfo
  • Par la mise en place d’un prélèvement automatique en euro/eusko : contactez-nous sur [email protected]

Pour tout soutien de 40€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.
Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.
«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.
Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.
Enbatari emaitza bat egin edo harpidetu: https://eu.enbata.info/artikuluak/soutenez-enbata

  • Enbataren izenean den txekea “Enbata, Cordeliers-en karrika 3., 64 100 Baiona“ helbidera igorriz.
  • Eusko transferentzia eginez Enbataren 944930672 kontuan zure eusko kontutik (euskalmoneta.org-en)
  • Banku-txartelaren bidez, lineako ordainketa sistema seguruaren bidez: paypal.me/EnbataInfo
  • Euro/euskotan kenketa automatikoa plantan emanez: gurekin harremanetan sartuz [email protected] helbidean

40€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.
Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).