Les Kurdes atout pour la Turquie

LE CHEF DU PKK APPELLE À LA TRÊVE EN TURQUIE
Abdullah Öcalan, chef du PKK, appelle à la trêve en Turquie

Le 21 mars dernier, plus d’un million de Kurdes s’étaient rassemblés à Diyarbakir, dans l’Etat turc, pour y célébrer Newroz, la fête du nouvel an kurde. Ils étaient également venus écouter un message transmis par Abdullah Ocalan depuis l’île prison où il est incarcéré depuis son arrestation en 1999. David Lannes revient sur ce qui semble être un début de dégel des relations entre le gouvernement d’Ankara et la minorité Kurde de Turquie.

La rumeur bruissait que le fondateur du PKK, qui lutte par les armes depuis 1984 pour l’indépendance du Kurdistan de Turquie, ferait une annonce historique. Et ce fut le cas : “Je déclare en présence de millions de témoins qu’une nouvelle ère commence; celle de la politique, pas des armes. Il est temps que nos forces armées se retirent hors des frontières [turques]”. Cette déclaration aura surpris plus d’un observateur car les 18 derniers mois sont à ranger parmi les plus sanglants d’un conflit qui a déjà fait près de 40.000 victimes : 800 combattants du PKK ont trouvé la mort sur cette période, et plus de 8000 Kurdes ont été arrêtés…

Véritable cauchemar
Ce sont des négociations sans précédent entre les services secrets turcs et Ocalan qui ont permis ce nouveaux cessez-le-feu du PKK. Rendues publiques en octobre 2012, ces négociations participent d’une stratégie du premier ministre turc Tayyip Erdogan visant à se servir du dossier kurde pour renforcer la position de la Turquie dans un Moyen-Orient en pleine reconfiguration. C’est probablement en Syrie que cette nouvelle stratégie trouve son origine. Cet été, les Kurdes de Syrie ont pris le contrôle de nombreux territoires au Nord-Est du pays; mobilisé sur d’autres fronts, le régime de Bachar el-Assad a laissé faire d’autant plus facilement qu’il escomptait en retour une neutralité bienveillante de la part des Kurdes de Syrie qui n’avaient jamais joui auparavant d’une telle autonomie. Pour Ankara par contre, la perspective d’une entité autonome kurde le long de sa frontière syrienne était un véritable cauchemar. Contrôlé par le Parti de l’Union Démocratique (PYD) que l’on présente généralement comme inféodé au PKK, ce “Kurdistan occidental” autonome offrait en effet une base arrière idéale au PKK.
Pour faire échouer ce scénario, la Turquie a enjoint les rebelles syriens, qu’elle soutient activement, de s’emparer des zones contrôlées par les Kurdes. C’était une stratégie à courte vue puisqu’elle avait pour corollaire d’ancrer les Kurdes dans l’axe Damas-Téhéran, offrant ainsi à l’Iran une bonne occasion de faire payer à la Turquie son soutien aux rebelles syriens. L’Iran ne s’en est d’ailleurs pas privé et s’est empressé de signer à l’automne 2012 un accord de cessez-le-feu avec le PJAK, la branche iranienne du PKK, donnant ainsi la possibilité à celui-ci de lancer des opérations depuis l’Iran. Et de fait, de telles attaques se sont multipliées. De manière imminente, la Turquie allait donc devoir affronter le PKK sur ses frontières iranienne, irakienne et syrienne. Le premier ministre turc Tayyip Erdogan se devait donc de réagir face à la montée en puissance du PKK.

Kurdistan
Kurdistan

Changement de constitution
Mais comment conclure un marché avec le PKK en plein milieu des combats? C’est avec Ocalan que la Turquie a directement négocié, faisant le pari qu’il restait en mesure d’imposer sa volonté au PKK. Erdogan s’est donc présenté à lui en allié de circonstance des Kurdes. Le Premier ministre turc compte en effet être élu Président en 2014 et, pour maintenir son emprise sur le pays, cherche à accroître les prérogatives du chef de l’Etat. Mais il lui faut pour cela changer la constitution turque, écrite en 1982 par la dictature militaire. C’est sur ce point que ses ambitions personnelles rejoignent les préoccupations des Kurdes. La constitution de 1982 est en effet ethniquement discriminatoire puisqu’elle stipule que “quiconque est lié à l’Etat turc par sa citoyenneté est un Turc”. Erdogan et son parti, l’AKP, son disposés à se montrer plus souples, répondant ainsi aux préoccupations des Kurdes qui n’entendent pas confondre citoyenneté et nationalité: “Nous sommes liés à l’Etat, pas à la nationalité turque”, affirme ainsi Ocalan. Ce distinguo n’est pas qu’une argutie puisqu’il ouvre la porte à d’autres revendications comme la reconnaissance officielle de l’identité kurde, le droit à l’éducation en langue kurde, une meilleure représentation dans les administrations locales via une refonte du système électoral, etc. Une réforme judiciaire permettrait également la libération de milliers de Kurdes emprisonnés sous des chefs d’accusation très ténus.
Un changement de constitution bénéficierait donc à la fois à Erdogan et aux Kurdes. Le problème est qu’Erdogan n’a aucune chance d’imposer un tel changement à ses compatriotes, s’il ne leur offre rien en échange. C’est en s’appuyant sur ce constat bien réel qu’il a réussi à obtenir d’Ocalan la déclaration spectaculaire d’un retrait du PKK hors de la Turquie. Mais ce n’est pas tout ! Avec l’aide du PKK, il semble avoir convaincu les Kurdes de Syrie de lâcher le régime de Bachar el-Assad. La Turquie se prête maintenant à rêver d’être entourée d’un cordon de sécurité kurde (en Irak et en Syrie) avec qui elle pourra entretenir de fructueuses relations commerciales et qui feront de plus tampon avec des régimes plus hostiles ou instables. Si la stratégie d’Erdogan fonctionne, il aura réussi le tour de force de transformer le boulet kurde qui a entravé la Turquie pendant des décennies en un atout majeur! C’est tout simplement brillant de sa part, mais ce n’est pas encore gagné. Les secteurs nationalistes turcs mais aussi et surtout l’Iran, grand perdant de cette reconfiguration, feront tout pour faire dérailler ce processus…

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre, financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.
Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.
« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.
Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.
Faites un don ou abonnez vous à Enbata : www.enbata.info/articles/soutenez-enbata

  • Par chèque à l’ordre d’Enbata, adressé à Enbata, 3 rue des Cordeliers, 64 100 Bayonne
  • Par virement en eusko sur le compte Enbata 944930672 depuis votre compte eusko (euskalmoneta.org)
  • Par carte bancaire via système sécurisé de paiement en ligne : paypal.me/EnbataInfo
  • Par la mise en place d’un prélèvement automatique en euro/eusko : contactez-nous sur [email protected]

Pour tout soutien de 40€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.
Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.
«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.
Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.
Enbatari emaitza bat egin edo harpidetu: https://eu.enbata.info/artikuluak/soutenez-enbata

  • Enbataren izenean den txekea “Enbata, Cordeliers-en karrika 3., 64 100 Baiona“ helbidera igorriz.
  • Eusko transferentzia eginez Enbataren 944930672 kontuan zure eusko kontutik (euskalmoneta.org-en)
  • Banku-txartelaren bidez, lineako ordainketa sistema seguruaren bidez: paypal.me/EnbataInfo
  • Euro/euskotan kenketa automatikoa plantan emanez: gurekin harremanetan sartuz [email protected] helbidean

40€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.
Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).