Le temps des frondes

BonnetsRougeBonnetsDepuis le 2 novembre et l’apparition brutale dans le débat public des “bonnets rouges”, le mouvement breton ne cesse de poser question. Après les pigeons, les poussins, les dindons et autres volatiles voilà que le couvre-chef choisi par les manifestants connaît un grand (trop grand?) succès. En plus il s’inscrit dans l’histoire de la révolte de 1675, déjà dirigée contre un impôt jugé insupportable. A l’origine du courroux, l’éco-taxe qui devait entrer en vigueur en 2014 et qui est finalement reportée aux calendes grecques ! Dans l’intervalle quelques millions d’euros de dégâts pour l’Etat qui ne manquera pas de lever quelque impôt pour faire face à la dépense…

Ce qui interroge dans ces mouvements disparates c’est la capacité à amalgamer un nombre conséquent de mécontentements plus ou moins fondés et d’embarquer également dans l’aventure des fractions plus discutables de la contestation. Il n’est pas utile d’en relever tout le panorama. Nous avons tous vu avec un certain effarement que ceux qui ont conduit le modèle agricole breton dans une redoutable impasse pouvait se retrouver coude à coude avec les défenseurs de Notre-Dame-des-Landes. Les modèles revendiqués par les uns et les autres étant par nature totalement opposés, il faudra attendre la fin de la guerre pour comprendre qui au final l’aura gagnée ! Et, ce n’est bien évidemment que l’une des contradictions notoires de ce mouvement. Dans cette tourmente, il faut saluer le courage des syndicats CFDT et CGT qui ont su raison garder et n’ont pas mélangé leurs voix avec ce qui ressemblait à un bien étrange cortège. Ils ont dit : non à bonnet rouge et rouge bonnet !

Le malaise a été total, ce 11 novembre quand l’emblème a été récupéré par les extrémistes de la “manif pour tous” sur les Champs Elysées! D’un seul coup, le “bonnet” a perdu de sa saveur et cette utilisation intempestive a plus que dérangé ses promoteurs et a bien aidé le gouvernement à se sortir de l’affaire ! Médiatique à la Toussaint, le truc prenait un sacré coup de blues aux cérémonies de l’Armistice!

Ce 30 novembre, décidément consacré aux manifs, la Bretagne est appelée à remettre le couvert et à ce moment la question se pose de savoir comment elle répondra à cette sollicitation. Peut-on imaginer encore de revoir cette contestation multiforme reprendre de la force et rassembler des milliers de personnes? Ensemble et si différents!

Cela pose plus largement la question dans cette société en mutation, d’une perte totale des repères, d’un sentiment diffus et inquiétant que tout est égal à tout, et que pourvu que l’on fasse nombre il n’est point besoin de savoir pourquoi et surtout avec qui!

Le drame breton se noue principalement autour d’un modèle de développement sans avenir, sous perfusion des fonds de l’Europe depuis un paquet d’années. Beaucoup ont tiré de nombreuses sonnettes d’alarme, mais il est plus confortable de persévérer dans l’erreur que d’imaginer devoir faire autrement. Le profit à court terme qui a été la principale boussole n’est plus possible et les productions intensives de porc et de volailles ne permettent plus de faire du fric.
Faut-il s’en plaindre ? Les consommateurs deviennent peu à peu plus regardants et rechignent à l’achat de ces volatiles et de ces porcs élevés dans des conditions épouvantables. Les émissions grand public dénoncent fréquemment maintenant la mal bouffe et le lien santé-environnement devient plus perceptible pour un grand nombre de nos concitoyens. De plus, la concurrence impitoyable de ce système ultra – libéral, condamne la production française au profit de pays qui cassent les prix sur les marchés mondiaux et nos poulets sont moins attractifs au Moyen-Orient ! Cela fera un paquet d’agriculteurs en faillite, de patrons de l’agro-alimentaires en colère et de salarié-es en détresse …

J’entendais hier un de ces désespérés indiquer qu’il y a un an à peine, il avait trouvé une banque pour financer de plusieurs centaines de milliers d’euros, l’extension de son exploitation ! La même banque qui lui mettra un genou à terre dans les mois qui viennent et personne dans ce monde politique n’a anticipé ce massacre que les écologistes prédisent depuis au moins 20 ans !

Bien au contraire, les politiques du coin, sont encore montés au créneau pour éteindre les incendies en promettant des millions d’euros, pour calmer le courroux et surtout ne rien imaginer de différent. Ils sont venus, ils sont tous là les ministres Le Foll, Le Drian, Lebranchu et même le premier d’entre eux venu en voisin. Les fâchés leur disent que le pognon est insuffisant, qu’ils ne veulent pas d’une aumône car ils sont bien conscients que cela ne changera rien, mais les gouvernants persistent fiers de leur idée d’un Pacte d’Avenir pour la Bretagne qui sera à peu près aussi efficace qu’un cautère sur une jambe de bois!

Le temps de la vérité est venu, mais il est bien tard pour imaginer des solutions d’une efficacité immédiate. A droite comme à gauche, on a joué les autruches avec un talent consommé refusant de se rendre à l’évidence et de remettre en cause un système dévastateur qui va laisser un champ de ruines derrière lui. Nous allons changer de monde dans la douleur à défaut de l’avoir initié par choix, et nous allons laisser au bord du chemin tout un monde rural en totale désespérance. Mais ils n’ont encore rien compris, ils offrent avec arrogance une prime malsaine à un océan de violence dont l’écume ne fait pour l’instant que nous effleurer.

Le temps des frondes irrationnelles vient de débuter!

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2 thoughts on “Le temps des frondes

  1. dans votre article vous ne faites pas la part belle a l agriculture et ne parlez que des subventions europeennes ; soit ; avez vous regarde les chiffres relatifs a l exportation depuis ces 40 dernieres annees ? l agriculture n a t elle pas rapportee plus d argent qu elle n en a coute ? les services publics n ont ils pas profite de cette manne financiere ainsi que certaines grandes entreprises vendeuses de produits sanitaires et autres societes telles banquaires ? il est aise de jeter la pierre sue des paysans qui n ont eu d autres objectifs que de nourrir la france ? s attaquer a une minorite est bien plus facile et bien moins courageux que de s attaquer a des multinationales !!!! quant au mouvement des bonnets rouges , sachez que parmi nous il y a moulte professions differentes : artisans , commercants , salaries en tous genre , artistes , jeunes au chomage , retraites , routiers ( y compris ambulanciers et taxis ) ; qu ont ils donc a voir avec les agriculteurs ? je crois que vous sous estimez la force tranquille d un peuple qui en a assez des taxes et impots ainsi que d une bureaucratie de plus en plus pesante ; savez vous que d ici 20 ans rien n est prevu , dans quelque domaine que ce soit pour l avenir de la bretagne ; devrions nous crever sans rien dire , sans rien faire , sans reagir ? les bretons ont la capacite de penser eux meme a leur avenir ; nous demandons juste qu on nous laisse faire !!!! trop de gens pensent a notre place et decident sans nous consulter ; c est le cas de notre dame des landes !!!!!! notre devise est AGIR ? DECIDER ET TRAVAILLER EN BRETAGNE n est ce pas legitime ? nous sommes a l origine de la revolution francaise ; nous pouvons le refaire ; c est ce que vous souhaitez ?

  2. Urte berri on / Bloavezh mat

    N’on ket a-du tre gant o dielfennadur, kalz startoc’h eo da gomprenn ‘blam da betra eo aet al labourerien da vanifestiñ gant o implijerien… Hag n’eo ket nemet un afer ekotailh, met kentoc’h ur birvilh kevredigezhel e Breizh.

    Kenver ar sindikadoù gall, CFDT pe CGT, n’eo ket bet komprennet ganto tra ebet ervezh kont… Lod eus o izili zo deut da vanifestiñ e Kemper hag e Karaez ! Renerezh ar sindikadoù-mañ o deus klasket enebiñ eus ar stourm vrodel-mañ, domaj evito n’eo ket bet komprennet ar stourm sokial-se ganto…

    Je ne partage pas votre analyse, le fait que des salariés et des employeurs se retrouvent ensemble pour manifester me semble un peu plus complexe que la vision que vous en donner… Cela ne se reduit pas à une simple jacquerie anti-écotaxe (comme l’analyse trop souvent certains médias français), mais il sagirait plutôt d’un bouillonement sociétal actuellement en cour en Bretagne.

    Quant à la conduite des centrales syndicales françaises, CFDT et CGT, il semble qu’elles n’aient rien compris au film… certains de leurs membres sont même venu manifester à Kemper et Karaez/Carhaix (refusant ainsi l’appel à la contre manifestation) ! Ces centrales syndicales ont cherché à s’opposer à ce combat “national” (certains diraient régional), dommage pour elles, elles n’ont semble-t-il pas compris ce combat social (ou sociétal)…

    Lennit an dielfennadurioù all-mañ, ur sell all / Lisez ceux-ci, pour un autre éclairage :

    http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=32391

    http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=32461&title=Les%20Bonnets%20rouges%20sont-ils%20compatibles%20avec%20le%20syst%E8me%20politique%20fran%E7ais?%20%282%29

    http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=31927

    http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=32263&title=Pacte%20d%27avenir:%20%22%20Ici%20Rennes!%20Un%20Fran%E7ais%20parle%20aux%20Bretons%22

    http://www.agencebretagnepresse.com/fetch.php?id=32259&searchkey=ang%E8le%20jacq

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