La cour européenne condamne l’Espagne

EspagneCondamnéeL’ex-président du parlement autonome basque Juan Mari Atutxa et deux députés avaient été condamnés par la justice espagnole. Ils avaient refusé en 2003 de dissoudre le groupe parlementaire indépendantiste Sozialista Abertzaleak, émanant de Batasuna interdit par l’Espagne. La Cour européenne des droits de l’homme a désavoué la justice espagnole.

La CEDH ou Cour européenne des droits de l’homme a rendu son verdict le 13 juin, quatorze ans après les faits. Elle a reconnu que trois dirigeants politiques basques n’avaient pu faire valoir leurs droits lorsque la Cour suprême espagnole et le Tribunal constitutionnel les ont condamnés en 2008 et 2013. Les deux hautes cours avaient ainsi cassé la carrière politique de Juan Mari Atutxa, président PNV du parlement autonome, et de deux membres du bureau du parlement, les députés Gorka Knörr (EA) et Kontxi Bilbao (Ezker Batua), en interdisant chacun d’exercer toute charge publique durant 18 mois et en exigeant au total le paiement de 42.000 euros d’amende.

Les juges espagnols leur reprochaient d’avoir violé la loi organique de 2002 sur les partis politiques, parce qu’ils avaient refusé de dissoudre le groupe parlementaire Sozialista Abertzaleak.

Ce groupe émanait de Batasuna qui venait d’être interdit.

Neutraliser des cadres politiques

Le tribunal supérieur de justice du Pays Basque qui s’était penché sur cette affaire en première instance, avait donné raisons aux trois dirigeants basque accusés de désobéissance. Ils avaient soutenu que rien dans le règlement du parlement autonome ne leur permettait de dissoudre un groupe parlementaire et qu’ils bénéficiaient de l’impunité en tant que députés. Mais c’était compter sans le syndicat de fonctionnaires Manos limpias qui n’a de syndicat que le nom(1).

Celui-ci fit appel auprès de la Cour suprême et celle-ci condamna lourdement en 2008 Juan Mari Atutxa, Kontxi Bilbao et Gorka Knörr. Cinq ans plus tard, en 2013, le Tribunal constitutionnel espagnol ratifia. Ces deux cours rendirent leurs décisions sans entendre les trois accusés. Le fait de ne pas avoir été entendus et la longueur énorme des délais ont fait pencher la Cour européenne des droits de l’homme dans le bon sens.

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le droit à un procès équitable était violé. Les trois leaders basques ont obtenu la condamnation de l’Espagne et un euro symbolique de dédommagement. Juan Mari Atutxa, Kontxi Bilbao et Gorka Knörr ont depuis longtemps cessé toute activité politique active.

Cette mise à l’écart est du même ordre que celle qui affecte deux leaders catalans coupables d’avoir organisé le référendum d’autodétermination du 9 novembre 2014: le président de la Generalitat Artur Mas a été condamné en mars 2017 à deux ans d’inéligibilité. Francesc Homs, député et porte-parole du gouvernement, fut contraint de quitter son poste le 29 mars 2017 pour les mêmes raisons.

D’autres procédures sont en cours pour neutraliser des élus catalans de premier plan.

L’Espagne a pris goût à ce genre de pratique.

D’abord au nom de la lutte contre le “terrorisme” basque, pour stériliser un certain nombre de cadres politiques indépendantistes ou pas, calmer et effrayer leurs successeurs possibles, affaiblir, ralentir des mouvements qui remettent en cause la souveraineté espagnole.

Ces décisions ont d’autant plus d’impact que le peuple touché est de petite taille et en partie minoritaire sur son propre territoire(2).

Arnaldo Otegi en fit les frais et le leader syndicaliste de LAB, Rafa Diez, est toujours en prison.

L’Espagne a pris goût à ce genre de pratique
pour stériliser un certain nombre de cadres, indépendantistes ou pas,
calmer et effrayer leurs successeurs possibles,
affaiblir, ralentir des mouvements qui remettent en cause
la souveraineté espagnole

Champs d’expériences répressives

Maintenant, c’est au tour des Catalans qui défient Madrid d’avoir droit à ce genre de faveurs. Peu importe que des années plus tard, la Cour européenne des droits de l’homme ou une haute cour espagnole absolvent les accusés. D’abord le mal est fait, les opposants sont mis hors de combat. Il en fut de même en Pays Basque pour l’interdiction des quotidiens Egin et Egunkaria, énorme atteinte aux libertés publiques fondamentales.

Sur ces dossiers, l’appareil d’État, sa police et sa justice fonctionnent avec une efficacité remarquable, soit dans des délais ultra-rapides, soit avec une désespérante lenteur, en fonction des intérêts du pouvoir. Un acharnement qui rappelle celui du préfet des Pyrénées-Atlantiques pendant plus de cinq ans, à l’encontre d’Euskal Herriko laborantza ganbara où l’on vit “rarement un gaspillage d’argent public” aussi énorme “de la part d’administrations publiques à seule fin d’étrangler une association citoyenne”.

Certes de telles pratiques déclenchent des protestations, mais elles ne vont guère au-delà des frontières des deux nationalités concernées.

La presse et l’opinion publique espagnoles, soit approuvent, soit font preuve d’une belle indifférence, tant la revendication indépendantiste ou l’exercice du droit à l’autodétermination sont à leurs yeux dépourvus de sens, voire anti-démocratiques.

Les attentats islamistes dans une Europe en guerre contre une partie du monde musulman permettent un renforcement de l’arsenal répressif, comme ce fut le cas au début des années 2000 en Espagne contre ETA.

Les partis au pouvoir et les Etats font preuve d’une belle capacité à retourner à leur avantage ces actes de violence pour renforcer leur pouvoir de coercition, faire cautionner le tout par une opinion publique où seule l’union sacrée est admise, par ce biais gagner les élections en jouant sur l’exaltation du nationalisme contre un ennemi commun affligé de tous les maux.

La France prépare une sixième loi antiterroriste qui vise à faire basculer les dispositions de l’état d’urgence dans le droit commun, le tout assorti d’un vernis judiciaire.

Au nom de la sécurité ou de l’intégrité du territoire, un pays peut se mettre en congé de la Convention européenne des droits de l’homme, décider, assumer et accepter un mouvement de restriction des libertés.

La Catalogne et la Pays Basque constituent d’excellents champs d’expérimentation en ce domaine. L’extension des pratiques coercitives sur de plus vastes territoires est déjà à l’oeuvre(3).

(1) Manos limpias est un petit groupe dirigé par l’avocat Miguel Bernad qui fut militant d’extrême droite et responsable du Frente Nacional. Il a été nommé chevalier d’- honneur de la Fondation nationale Francisco Franco.

(2) Les Israëliens ont très bien analysé “l’effet d’effondrement” socio-politique que provoquent en Palestine l’arrestation ou le meurtre de membres du Hamas ou du Fatah lorsqu’ils les éliminent.

(3) Sur cette escalade sécuritaire, voir le livre récent de William Bourdon : Les dérives de l’Etat d’urgence, Plon, 324 pages, 15,90€

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