La compétitivité des entreprises

CompétitivitéDes déboires technologiques et financiers d’EDF aux inégalités fiscales des entreprises françaises et allemandes pointées par l’économiste Xavier Fontanet,  une fois encore, en tant que chef d’entreprise et élu consulaire je ne saurais me satisfaire de tout ce qui handicape l’économie hexagonale.

Le dépassement de budget
des travaux à l’étranger de centrale nucléaire
oblige Areva à faire constater dans ses comptes
5 milliards de pertes cette année.

De gros soucis en perspective, souvent évoqués au moins partiellement au gré des évènements. Une partie des élus (Assemblée nationale et Sénat) semble désormais de moins en moins suiviste sur le choix nucléaire de la France. La ministre de  l’environnement avait déjà l’an dernier fixé un cap de 50% d’électricité d’origine autre que nucléaire dans les 20 ans à venir, mais sans en détailler les budgets ni les investissements qui risquent d’être colossaux.

Arrêtons-nous un instant sur cette transition : d’une part il semble qu’avec 15 milliards de provision dans la comptabilité opaque d’EDF, le poids du démantèlement soit largement sous-estimé : il en faudrait au moins 4 fois plus selon certains experts. Il est vrai que la première centrale expérimentale de Brennilis n’est pas encore démantelée depuis au moins 20 ans de travaux et les impératifs de pollution sont de plus en plus contraignants.

Imaginons un instant ce que pourrait être ce budget sur la moitié du parc actuel (une soixantaine de centrales).

En parallèle avec ce coût de démantèlement, il convient de mettre en perspective la mise aux normes, principalement sous l’aspect sismique, des 30 centrales les plus récentes (suite de Fukushima) et l’investissement important dans des énergies alternatives y compris la recomposition des “aiguillages/équilibrages” des réseaux bâtis sur une distribution par 60 points qui deviendra à terme une distribution très fortement décentralisée et répartie sur l’espace.

Les experts prétendent donc que le prix de l’énergie électrique sera à terme fortement impacté (+50% dans les 5 à 10 ans).

Une concurrence européenne sur la fourniture sera aussi à intégrer dans les comptes de la respectable et discrète EDF, au chapitre chiffre d’affaire, même si “les péages” de passage que fera payer EDF Distribution, viendra en corriger l’effet.

“Les emmerdes, ça vole en escadrille” comme disait un président de la République. La petite soeur Areva donne aussi des soucis. Rappel des épisodes précédents : Anne Lauvergeon avait acquis, il y a plus de 5 ans, une mine d’uranium à un prix exorbitant (plus de 4.5 milliards d’euro), contre l’avis de sa tutelle alors que cette mine s’est révélée inexploitable à des prix normaux d’exploitation rendant incohérent cet investissement et alors que le prix de l’uranium était 4 fois plus cher que l’actuel (l’effet  Fukushima a fait chuter la demande dans la monde). Une concurrence stupide entre EDF et Areva sur un appel d’offre de centrale nucléaire à l’étranger avait déclenché en son temps une colère compréhensible d’un ministre. Enfin, le dépassement
de budget de travaux de centrale nucléaire à l’étranger oblige Areva, à faire constater dans ses comptes 5 milliards de pertes cette année.

Pour couronner le tout et pour donner raison à l’ancien président, nous apprenons mi-avril un gros ennui sur le chantier de l’EPR de Flamanville (fleuron de la technicité nucléaire destinée à l’exportation). Sur ce chantier déjà en dépassement de budget (7,5 milliards au lieu de 3.5 milliards) et de délai (prolongation de 3 ou 4 ans), une non-conformité majeure sur le couvercle en acier est constatée.

EDF est donc sommé de voler au secours d’Areva et de participer à sa recapitalisation.

Fontanet et la compétitivité des entreprises

Cet économiste a écrit récemment “Pourquoi pas nous ?” Je recommande cet ouvrage très simple à lire et à comprendre. Y sont développés des arguments sur l’état de l’Hexagone qui sont d’une grande clairvoyance. Sur un chapitre sont traitées les 15 idées reçues qui sont ensuite critiquées. Quelques exemples : “nous, c’est différent”, “l’Etat ne peut pas faire faillite”, “on peut s’endetter puisque le taux d’intérêt est nul”, “la baisse des charges, c’est un cadeau fait aux patrons”, “c’est un droit acquis”, “nous avons le meilleur modèle social”, etc.

Sur le thème du modèle social, il évoque le coût/efficacité de ce modèle : 32.2% du PIB en France (23.9% de protection sociale + 8.3% de dépense de santé), contre 26.6% en Allemagne (19.6% + 7%), et les conséquences sur le coût de l’heure travaillée (35.4€ en France, contre 32.7€ en Allemagne) en comparaison avec la rémunération nette de cette heure (23.7€ en France contre 25.6€). Le modèle social n’est donc pas soutenable car les entreprises de l’Hexagone sont les moins rentables d’Europe : la comparaison des taux de prélèvements fiscaux et sociaux sur les entreprises dans les prélèvements publics totaux par rapport aux taux de marge des entreprises est redoutable, elle donne pour la France : 32.4% pour 29%, Espagne : 30% pour 40%,  Allemagne : 25% pour 42.4%, Finlande : 21.5% pour 40%, Italie : 27.5% pour 40.5% et Suède : 35% pour 35.8%. Ce problème de marge est d’autant plus inquiétant qu’il ne reste plus rien aux entreprises pour investir, sans compter que le dividende est taxé ici plus qu’ailleurs : à dividende net égal, une entreprise allemande pourra investir 3.5 fois plus qu’une française, avec tous les effets induits sur l’emploi, bien entendu.

En Allemagne, fiscalité de 18% sur le bénéfice et 20% sur le dividende, en France, 38% et 42% ! Le tableau comparatif le plus redoutable fait apparaître les chiffres suivants : pour 200 de vente d’une entreprise strictement identique des deux côtés du Rhin, avec des mêmes capitaux propres de 100, à cause des charges sociales (voir plus haut) le résultat est 20 en Allemagne pour 14 en France, à cause de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices, 3.6 en Allemagne pour 5.3 en France, le résultat net 16.4 en Allemagne et 8.7 en France, si on veut que l’actionnaire touche la même chose, par exemple 2 en net, il faudra verser 2.5 en Allemagne mais 3.5 en France et il restera pour investir 13.9 en Allemagne contre 5.3 en France !

Ce décrochage est significatif de l’environnement économique des deux pays. La mini formule pesante du CICE ne compte que très peu dans cette balance. Elle sert pourtant de rengaine aux syndicats rétrogrades et conservateurs. Cet écart de règles encourage à fuir l’investissement dans les entreprises, il participe de la délocalisation et de la baisse de l’investissement étranger.

Il est catastrophiquement mal orienté et peut, si rien ne change, conduire à la perte de l’énergie du pays. Quel journaliste non paresseux intellectuellement pourrait s’en faire écho aux heures de grande écoute? Je n’évoque pas la fiscalité de l’actionnaire qui, elle aussi, est mal orientée. Je vous fais grâce des autres considérations de cet ouvrage mais j’aurai l’occasion d’évoquer d’autres extraits dans d’autres articles.

Désolé pour cet étalage de chiffres !

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One thought on “La compétitivité des entreprises

  1. Cette chronique désigne à plusieurs reprises Xavier Fontanet comme « économiste ». Dans une précédente chronique de Pantxoa Bimboire j’avais découvert avec intérêt Michel Godet, économiste original. Du coup je me suis renseigné sur la formation et les ouvrages de Xavier Fontanet dont la lecture nous est chaleureusement recommandée dans cet article d’Enbata. Ce que j’ai trouvé m’amène à faire quelques commentaires (mais les « idées reçues » citées dans l’article permettaient déjà de pressentir le problème).

    Tout d’abord Xavier Fontanet n’est pas économiste, ni de formation ni de profession. Il a fait des études d’ingénieur et un master de management, il a été un grand patron (ce n’est pas une tare) à la tête d’Essilor et il siège encore à plusieurs conseils d’administration (L’Oréal, Schneider Electric). Il a dirigé la commission éthique du MEDEF (!). Chroniqueur aux Echos, il enseigne à HEC et a créé une fondation à visées pédagogiques après avoir constaté que dans les cours d’économie « tout est faux, nul, c’est de l’idéologie qui n’a aucun rapport avec la réalité. On porte Keynes au pinacle, on jette Bastiat et Hayek aux orties… »
    Ensuite et comme la citation ci-dessus le montre clairement, Xavier Fontanet n’a rien d’un penseur original dont les idées auraient du mal à se faire entendre. A l’heure où certains économistes se disent « atterrés » par l’hégémonie de la pensée libérale, Xavier Fontanet travaille à sa diffusion. Il fait par exemple l’éloge du modèle social allemand (comprendre de son affaiblissement depuis 20 ans) ou du passage à la retraite par capitalisation en Nouvelle Zélande. Comme la grande majorité des chroniqueurs économiques de la presse, il s’inquiète de la dette, de l’hypertrophie de la sphère publique en France et plaide pour une baisse drastique des impôts. Pantxoa Bimboire rêve d’entendre ce genre de propos à une heure de grande écoute, j’ai quant à moi l’impression que Xavier Fontanet n’est qu’un de plus de ces « économistes » libéraux qui tentent de nous faire partager leur « vision positive de la mondialisation et de la concurrence », comme le soulignait Valeurs Actuelles.
    Alors, maintenant que Pantxoa Bimboire nous a promis de nous faire partager d’autres de ses pensées, on peut se demander quelles propositions de Xavier Fontanet seront prochainement popularisées dans Enbata :
    – la concurrence fiscale à la baisse avec l’Allemagne ?
    – le remplacement de la sécurité sociale par des assurances privées en concurrence ?
    – le durcissement des conditions d’indemnisation du chômage ?
    Ou autres… la réponse le mois prochain ?

    http://www.wikiberal.org/wiki/Xavier_Fontanet
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/02/04/m-fontanet-j-etais-un-candidat-naturel-a-l-expatriation-j-ai-decide-de-rester_1826860_3234.html
    https://xavierfontanet.wordpress.com/category/le-livre-pourquoi-pas-nous/
    http://www.valeursactuelles.com/economie/xavier-fontanet-celui-qui-fourmille-didees-pour-la-france-48194

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