Cataclysme ou catharsis politique ?

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Les leaders des quatre principales formations espagnoles.

Les élections législatives du 20 décembre dans l’Etat espagnol ont porté un rude coup à la gauche abertzale des quatre provinces d’Hegoalde. 116.000 voix perdues et cinq députés sur sept par rapport au scrutin de 2011. Nous ferions une grave erreur en jouant la carte d’une confrontation ouverte avec Podemos sur le champ électoral. Et de fait, nous sommes déjà partenaires avec ses militants du changement en cours en Navarre.

EH Bildu vient de subir un revers aux élections législatives espagnoles du 20 décembre. Il s’agit sans aucun doute d’un coup dur pour la gauche abertzale. Il semble évident qu’une bonne partie des voix perdues par EH Bildu se sont reportées sur Podemos en Hegoalde. De fait, Podemos ressort comme le grand vainqueur de ces élections. Maintenant, il est nécessaire de situer ces résultats dans le cadre plus global de l’Etat espagnol.

Tout d’abord, une première analyse en termes d’arithmétique électorale montre qu’il n’existe pas de formule d’accord évidente pour offrir une majorité solide à un nouveau gouvernement à Madrid. Dans cette perspective, la crise de gouvernabilité de l’Etat atteste, s’il en était besoin, de l’ampleur de la crise institutionnelle et socio-économique de l’Espagne. Les premières déclarations de Pablo Iglesias(1) au moment des résultats affirmant qu’il est nécessaire de prendre en compte la diversité nationale de l’Etat espagnol prennent une dimension toute particulière dans ce contexte. Elles s’expliquent par le fait qu’un tiers des voix de Podemos provient d’Hego Euskal Herria, de Catalogne et de Galice.

Tendances antagonistes

Voici donc les trois donnes mises en évidence par ces élections : le revers électoral d’EH Bildu et le succès de Podemos, la profondeur de la crise socio-économique et institutionnelle en Espagne, et la déclinaison de cette dernière en une crise de  gouvernabilité de l’Etat, dont un des déterminants, avec la situation socioéconomique, est la problématique du droit à l’autodétermination de nos peuples.

Il convient d’analyser chacune de ces donnes.

En ce qui concerne les deux premières, quelle est la lame de fond qui conditionne les divers clapotis de cette crise de l’Etat espagnol observables au travers des soubresauts de l’actualité ? Cette lame de fond se situe, me semble-t-il, dans les conséquences de la crise économique et financière de 2008. La  meilleure défense étant l’attaque, le projet néolibéral y a réagi selon la logique des thérapies de choc, qui s’est imposée en Europe par des politiques drastiques de restrictions budgétaires et l’accélération du détricotage de l’Etat providence. Cette offensive néo-libérale entraîne dans nos sociétés un double mouvement.

D’une part, une tendance des Etats à la recentralisation pour faire face aux contraintes financières auxquelles ils sont soumis.

D’autre part, une réaction des sociétés qui subissent l’offensive néo-libérale comme un diktat, et qui voudraient pouvoir reprendre la main sur les décisions de natures économiques et sociales.

Ces deux tendances antagonistes ont des expressions diverses en Europe, et alimentent fortement la crise de l’Etat espagnol.

Je peux me tromper, mais je pense que cette crise ira en s’exacerbant, et que sa résolution nécessite une seconde transition de l’Etat espagnol qui ne peut prendre que deux directions : celle d’une recentralisation, ou celle d’une nouvelle décentralisation.

Déjà partenaires

EH Bildu a subi un revers dimanche dernier, mais le débat de la crise de l’Etat espagnol se situe fondamentalement là où, en tant qu’abertzale de gauche, nous voudrions qu’il soit, c’est-à-dire sur le terrain du droit à l’autodétermination, et de la défense des droits sociaux. Cela n’empêche pas que la gauche abertzale ait à mener une réflexion de fond, en n’hésitant pas à se remettre en cause sur un certain nombre de points. C’est l’objet de la procédure de débat interne ABIAN entamée cet automne.

Cette réflexion doit dépasser la simple analyse électorale, mais il faut quand même s’interroger sur la signification des résultats de Podemos.

Les votes perdus par EH Bildu se sont vraisemblablement massivement reportés sur Podemos. Ce report a été travaillé par Podemos, qui a recherché une forme de “labellisation” sur la question du droit de décider et aussi celles des prisonniers, pour se forger une image d’“abertzale compatible”.

Si Podemos se maintient dans cette posture, cela peut tendre à fidéliser une partie de cet électorat (potentiel) d’EH Bildu. Mais cela contribue également à associer à la revendication de l’autodétermination une autre partie de son électorat, composé de plusieurs centaines de milliers de votants, alors qu’elle n’était pas trop sa “tasse de café” jusqu’à aujourd’hui.

Nous ferions une grave erreur en jouant la carte d’une confrontation ouverte avec Podemos sur le champ électoral. Et de fait, nous sommes déjà partenaires avec ses militants du changement en cours en Navarre.

Selon moi, la gauche abertzale doit redéployer le projet souverainiste en montrant par la pratique qu’il représente une alternative également dans le domaine socio-économique. Et en alliance avec des secteurs larges, accentuer les contradictions avec l’Etat central par l’activation de la société civile en défense des droits sociaux et en faveur du droit à l’autodétermination, pour faire en sorte que la question de la souveraineté (comprise aussi en termes économiques et sociaux) et le droit de décider constituent, comme en Catalogne, des points de non retour dans le débat sur l’indispensable réforme de l’Etat espagnol.

(1) Leader de Podemos

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